Annoncé comme l'un des films événements de l'année 2018 et profitant d'une promotion très favorable venant de la presse, les Frères Sisters a fait donc naître un certain espoir, l'attente d'un film de qualité avec, aux commandes, le réalisateur français Jacques Audiard (trois fois lauréat au César du meilleur film pour De battre mon cœur s'est arrêté, Un Prophète et les Frères Sisters, justement).
C'est donc en s'appuyant sur le roman éponyme de Patrick deWitt, conseillé par l'acteur John C. Reilly (qui joue le rôle du frère aîné dans le film), que le fils de l'extraordinaire dialoguiste Michel Audiard pousse, pour la première fois, les portes battantes du genre western, pour un résultat correct.
Cette adaptation d'une grande profondeur psychologique permet de découvrir l'histoire des frères Eli (John C. Reilly) et Charlie Sisters (Joaquin Phoenix), tueurs à gages embauchés par le Commodore pour traquer et capturer le chimiste Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed), détenteur d'une nouvelle formule permettant d'éclairer l'or dans les rivières. Mais ils ne sont pas les seuls à être sur ses traces... Au cours de ce périple initiatique, le lien fraternel de ces deux frères se transforme, tout comme leur personnalité profonde et le sens qu'ils donnent à leur existence, troublés par le courage et le talent d'un jeune chimiste nourri de projets utopiques et idéalistes.
A l'affiche de ce western dramatique et psychologique figure des noms bien connus et des acteurs réputés : John C. Reilly et Joaquin Phoenix dans les rôles des frères Sisters, ainsi que Jake Gyllenhaal dans la peau du mystérieux détective John Morris. Riz Ahmed, qui incarne le chimiste traqué pour son invention, ne profite pas de la même notoriété que celle de ses compagnons mais n'a absolument pas à rougir de sa prestation.
Parmi les quatre récompenses obtenues aux Césars de l'année 2019, faisant de cette adaptation celle qui a été la plus récompensée de la cérémonie, le César de la meilleure photographie et celui des meilleurs décors méritent d'être confiés entre les mains de Jacques Audiard, pour la beauté préservée des paysages espagnols (Navarre et Aragon notamment) et français. Le son, également lauréat de cette cérémonie, présente une originalité certaine mais peu exploitée.
Bien que l'évolution de la relation entre ces deux frères unis dans leur basse besogne demeure l'aspect le plus intéressant du scénario, nombre d'éléments auraient pu être évités.
D'abord, le brisement du quatrième mur opéré par Joaquin Phoenix n'est, à mes yeux, pas nécessaire. Malgré son intérêt pour le scénario en apportant une information importante, celle-ci aurait pu être délivrée d'une autre manière, en prolongeant la scène précédente par exemple, mais certainement pas en s'adressant ainsi au spectateur. Autre réticence : le recours à une violence gratuite et inutile, qui peut faire facilement détourner le regard à au moins une reprise. A ce sujet, j'émets ici un avertissement à destination des âmes sensibles.
Enfin, le dénouement à la "Home Sweet Home" est un peu décevant, bien que réjouissant pour les deux frères tourmentés.