Quand un western sort au cinéma alors que le genre a du mal à survivre, et qu’en plus le spectateur a connu l’âge d’or du western avec à la clé de très bons longs métrages, il y a de quoi susciter la curiosité. C’est exactement mon cas, et ça me suffisait. Aussi j’en attendais beaucoup, même s’il a été signé par un français. Et pour peu qu’on soit fan de Jacques Audiard… ce qui n’est pas mon cas… Alors qu’en est-il vraiment ? Ma foi, le cinéaste a signé un western solide. L’histoire n’est en soi pas très originale puisqu’elle met en scène deux tueurs travaillant pour la solde d’un richissime homme d’affaires, si toutefois on peut appeler ça un homme d'affaires. Mais là où ce western se démarque, c’est qu’il joue davantage la carte du développement et de l’évolution psychologiques des personnages. Le spectateur appréciera… ou pas. Néanmoins il faut reconnaître que cette approche est intéressante, suffisamment en tout cas pour garder le spectateur devant l’écran car bon nombre de questions existentielles sont posées. Résultat, et une fois n’est pas coutume, le spectateur se prend de sympathie pour ces êtres sanguinaires qui tuent sans le moindre état d’âme. En effet, comment résister à la bonne bouille de bon nounours qu’on connait de John C. Reilly, que je n’attendais certainement pas dans un western (et encore moins dans la peau d’un tueur !). Tout comme je n’y attendais pas Joaquin Phoenix non plus, pas plus que Jake Gyllenhaal ni même Riz Ahmed. Autrement dit, pour moi on tient là un casting surprise, à commencer par le réalisateur. Cependant cette approche aurait gagné en intérêt si on avait retrouvé tous les codes du genre : il manque bien évidemment les sales bobines, les regards acérés précédant les fusillades, et les longues chevauchées. Oh je ne dis pas qu’il n’y a pas de cavalcades, mais comparées à certains grands films du genre, ici c’est très édulcoré. Je vous le dis, l’histoire n’en aurait été que bonifiée en matière d’intérêt. Car même si la profondeur du propos est intéressante et peut même donner à réfléchir, il n'y a pas de quoi déchaîner les grandes passions. Pourtant le film entre tout de suite dans le vif du sujet. Mais au lieu d’avoir affaire à des visages patibulaires peu loquaces, voilà-t-y pas que nous sommes devant deux frères bien plus bavards que ce qu’on pouvait s’y attendre au départ, et bien plus différents autant physiquement que dans la vision de leur avenir. Paradoxalement, la relation particulière qu’Eli Sisters entretient avec sa monture aurait mérité d’être davantage développée. Les beaux décors et la qualité de la reconstitution sont pourtant là, en complément de la bonne prestation des acteurs, mais est-ce que ça suffit pour en faire un bon film ? Pour moi non parce que ça manque cruellement non pas de rythme mais de punch. Cela dit, je vous laisse le loisir d’en juger par vous-même parce quoi qu’il en soit, "Les frères Sisters" sort du western traditionnel en prenant ce côté intimiste assez surprenant. En bref, préparez-vous à tout savoir sur les frères Sisters !