Annaud est un metteur en scène éclectique mais peu prolixe. Quand il s’empare d’un sujet, il le traite à fond, s’investit dans des recherches titanesques et cherche à reconstituer le décor le plus crédible pour tourner le sujet qu’il a identifié. Ce fut une nouvelle fois le cas ici, et il raconte que ce n’est qu’à la dix-septième version du scénario qu’il a considéré être prêt à tourner! Une préparation maniaque et fouillée, comparable à celles de Stanley Kubrick. Le roman éponyme d’Umberto Eco, qui est déjà en lui-même un cocktail original et unique dans son genre, ne pouvait certainement trouver meilleur réalisateur pour être porté à l’écran.
La qualité intrinsèque d’un livre ne garantit pas non plus la réussite à l’écran. Ici Eco n’a pas à rougir de la transposition qu’il a autorisée. Annaud a absorbé avec délice la mixture ésotérique concoctée par Eco : une enquête policière au milieu d’une querelle religieuse entre dominicains, adeptes de la pauvreté, et bénédictins, repus et issus de grandes familles, le tout situé dans une abbaye inquiétante, mélange de puissance, de jouissance réprimée, dans l’environnement obscurantiste du moyen-âge.
Déjà rien qu’avec un tel titre, joli mais abscons, on ne sait pas sur quel pied danser.
Le diable montre sa queue et envahit l’esprit des protagonistes au fur et à mesure que les morts violentes se succèdent dans ce monde clos. Avant que l’espoir n’arrive fugacement sous la forme de l’envoyé de la Sainte Inquisition, dont les méthodes d’interrogation n’ont rien à envier à celles des armées les plus cruelles.
Jésus était-il pauvre, quelle question incongrue ! Faut-il interdire le rire, car il offense Dieu ? Le thème reste d’une modernité hallucinante, quand on songe aux interdictions diverses pratiquées aujourd’hui par les musulmans intégristes… La connaissance est enfermée à clef dans le labyrinthe-bibliothèque, le désir sexuel réduit à des copulations mercantiles.
Sean Connery – choix inattendu- est à son habitude remarquable. Autour de lui s’agitent en catimini une brochette de «gueules» que Fellini n’aurait pas renié. Le froid glace les corps sous la bure, les paysans sont relégués avec les cochons, le silence règne dans le réfectoire, l’ordre papal est sauf. La Renaissance et encore plus le siècle des Lumières sont encore bien loin. On frissonne avec délice, tout en suivant des débats théologiques de cette époque troublée.
PS : D’habitude inconditionnel des VO, je reconnais que la version originale en anglais peut déranger au début puis l’atmosphère envoutante du monastère reprend rapidement le dessus. La version française fonctionne aussi bien avec la distribution internationale d’acteurs.
Mars 2016 -TV vo
octobre 2023 - GE restauré
Même vu partiellement, même en TV ca reste magiquement envoutant...oups attention l'inquisition veille!
Mai 2010