Rachid Djaïdani indique à la fin de la projection publique de ce dimanche 2 octobre « qu’il est plus difficile de faire un film sur ce qui rassemble que sur ce qui divise ». Pari réussi : l’ancien boxeur nous livre un « Tour de France » rempli d’humanité et de tolérance à travers un film de très grande qualité !
Loin d’être moralisateur, son deuxième long-métrage montre combien les peuples de la France peinent à se comprendre, vivant de clichés et d’appréhensions. Le tandem que le réalisateur nous propose ici, reflète à merveille le discours de tolérance qu’il souhaitait nous livrer. D’un côté, nous avons Serge, un entrepreneur raciste et bourru. De l’autre, Far’Hook, rappeur cultivé qui tente de percer gentiment dans le métier. L’un comme l’autre ont énormément de préjugés sur leur compagnon de route et ce tour de France est l’occasion de mettre à mal toutes leurs idées préconçues sur une communauté qu’ils évitent de côtoyer.
Perdu dans un quartier où les jeunes immigrés ont élu domicile, Serge pense qu’il est devenu la minorité française et peine à accepter la conversion de son fils Mathias à l’Islam. Mal informé, il catalogue son jeune compagnon de route et garde une distance difficile à réduire. Far’Hook n’a pourtant rien de radical. Né en France, élevé par sa grand-mère, il a un grand respect pour le père de son ami, et ce, malgré les réflexions cinglantes qui fusent en permanence. Peu à peu, Serge et Far’Hook s’écoutent et apprennent à connaître véritablement l’autre, sans faire fi des stéréotypes venus polluer leur cerveau par leur vécu personnel. C’est la rencontre de deux univers à laquelle nous assistons et le résultat vaut véritablement le déplacement !
Serge, c’est le Grand Gérard Depardieu. Excessivement touchant dans ce film, il revient dans nos salles en conquérant. Celui qui était déjà parti sur les routes avec « Saint Amour », reprend les chemins de France dans un rôle qui lui sied à merveille. L’ogre du 7ème art interprète en délicatesse un père blessé en perte de repères. Sa seule accroche ? Les tableaux maritimes de Vernet qui ont une importance capitale à ses yeux. Tantôt bougon, tantôt drôle, son personnage nous livre aussi ses failles et nous émeut. Merci Rachid de nous avoir offert un rôle à la hauteur de son talent et de sa bonté !
Far’Hook est incarné par Sadek, un acteur débutant, vierge de toute expérience cinématographique. Rappeur à ses heures, le jeune comédien impressionne par la justesse de son jeu. Les deux héros s’accordent et offrent un échange exquis, dans l’émotion ou dans l’humour, sans que l’un ne vienne jamais écraser l’autre. Le ping-pong qui se joue sous nos yeux est délectable et prouve que la célébrité et le charisme de Gégé est à la hauteur de son humanité et de sa bienveillance. Rachid Djaïdane confie d’ailleurs que « Tonton » (comme il se plait à l’appeler) à un grand cœur et qu’il est complice à l’écran comme en dehors du cadre. « Généreux, il a été présent tout au long du film » et à fortement aider à faire de ce film la réussite qu’il incarne véritablement. Sadek, coaché par une équipe talentueuse, fait donc ses premiers pas au cinéma et ouvre les portes d’une carrière qu’on lui souhaite fructueuse. Les textes proposés dans ses chansons (un rap quelque peu différent de ce qu’il a l’habitude de faire), sont porteurs d’espoir et donnent de belles leçons de vie. Seuls moments d’improvisation du film, ils révèlent les émotions et les états d’âmes des différents personnages et subliment le scénario de qualité du réalisateur.
Celui qui a déjà réalisé « Rengaine » il y a quelques années, nous propose ici un film intelligent et très actuel. « Le cinéma est là pour véhiculer un message, si mon film a pu vous changer un tout petit peu votre regard, j’en suis content. » Très applaudi à la fin de la projection, « Tour de France » avait déjà créé des émules lors du dernier Festival de Cannes… On comprend maintenant pourquoi ! Rachid Djaïdane nous fait d’ailleurs la confidence que Cineart distribuera très probablement « Tour de France » en décembre 2016 et on vous invite à monter à bord de la camionnette de Serge pour un voyage indulgent et émouvant.