Si j’ai été voir "Mes vies de chien", c’est uniquement parce que j’avais adoré "Hatchi", du même réalisateur. J’avais été littéralement essoré, complètement lessivé par les émotions, ce qui m’avait poussé non pas à émettre un avis sur le film (quoiqu’un petit peu quand même) mais à fustiger une presse réfractaire aux sentiments que se partagent un chien et un être humain. J’étais bien évidemment conscient que "Mes vies de chien" serait différent, d’autant plus que ce film a sur son arrière-train une affaire de maltraitance des animaux. Une sombre affaire de poussette pour contraindre un des chiens à aller dans l’eau, simplement parce qu’il n’y avait pas moyen de le faire plonger. Ce chien a failli se noyer parce que… il ne savait pas nager !! Rassurez-vous, l’animal a finalement été sauvé par l’équipe du tournage et les associations de protection animales (toujours présentes sur les plateaux quand des animaux sont utilisés afin de vérifier que tout se passe bien), heureusement vigilante ! Et il va bien. Mais cela a suffi pour que les associations appellent au boycottage du film. Peut-on seulement parler de maltraitance pour autant ? Tous les chiens savent naturellement nager dès la naissance. C’est inné, et c’est un fait établi. A l’exception… de quelques rares exceptions. Je pourrai poursuivre le débat de la maltraitance sur une grande partie des dressages qui consistent à faire à nos amis à quatre pattes des choses contre nature. Je ne considère donc pas cet incident comme un acte de maltraitance car il était pour ainsi dire impossible de prédire ce rarissime manque de faculté. Et connaissant l’immense qualité avec laquelle a été tourné et monté "Hatchi", je ne pouvais résister plus longtemps d’aller voir cette nouvelle réalisation de Lasse Hallström, tout en faisant fi de la tentative de sensationnalisme de la part des sociétés de protection des animaux. D’autant plus que le cinéaste suédois est doué d’une grande sensibilité à l’égard des animaux à quatre pattes. Et le résultat, le voici : je ne regrette pas d’avoir fait le déplacement ! Non seulement je ne le regrette pas, mais en plus je vous le recommande. Il est seulement dommage qu’il ne soit pas sorti en salles plus tôt afin que les trois zones de vacances scolaires puissent en profiter pleinement. Car Lasse Hallström confirme ici qu’il excelle dans la mise en images des relations privilégiées entre les humains et les chiens. Cette fois, il s’agit de l’entente parfaite entre quelqu’un de bien précis et son chien, une cohésion si fusionnelle que l’esprit de ce chien, comme le titre l’indique, vagabondera pour se réincarner à plusieurs reprises. Cela aura permis au passage de traiter de quelques sujets sous-jacents, comme par exemple l’adoption, ou comme un aspect de maltraitance. Entre les animaux enchaînés 24h/24 et 365 jours par an sans qu’ils ne voient autre chose que le monde visible sur le terrain que leur laisse la chaîne, et l’abandon, ce film condamne la maltraitance. Un joli pied de nez, finalement, bien qu’absolument pas volontaire. On retrouve beaucoup d’émotions, mais aussi beaucoup d’humour. On rit, on pleure, on frissonne, on compatit : Lasse Hallström réussit une nouvelle fois un coup de maître avec cette histoire certes un peu folle, mais si belle. C’est la magie des fictions… Et si Lasse Hallström a réussi son coup, c’est parce qu’il propose une alternance de points de vue, tantôt humaine, tantôt canine, avec en prime des cadrages magnifiques en soi, superbes de précision, des plans qui ne manquent pas de provoquer une totale compassion du spectateur. Des cadrages millimétrés tels que le gros plan fait sur l’œil du Golden Retriever sur la table du vétérinaire, avec sa truffe toute floue parce que presque collée à la caméra, ou un seul plan qui montre le Berger Allemand d’un côté et un cadre photo de l’autre venant argumenter les questionnements de cet instant précis. Tous ceux qui ont eu des chiens se sont demandés à un moment ou un autre ce que leur compagnon à quatre pattes pouvaient penser ou se dire. La question est évidemment exploitée dans le film et pour ce faire, la bonne idée a été d’allouer une voix off à l’esprit doué de ce chien. Je ne dis pas que c’est forcément conforme à la réalité, mais qui le sait vraiment ? Il n’empêche que les paroles sont toujours pertinentes, parfois très drôles, parfois très tristes. La musique choisie accompagne bien chaque moment du film, que ce soit au niveau des musiques préexistantes, ou au niveau de la partition créée. Le plus étonnant est qu’on se prend à espérer très fort que cette histoire se termine d’une certaine façon. On a même peur que notre vœu le plus cher ne soit pas exaucé auquel cas le spectateur aurait crié à l’inachevé. Mais le sujet est maîtrisé et nos espoirs se réalisent, et tant pis si cela fait donne au film un petit goût de convenu. Qu’importe, l’histoire est belle, c’est bien filmé, les toutous sont mignons tout plein, et les acteurs font le job plus que correctement, même si les larmes manquent parfois à l’appel sur leurs joues. Et la photographie est belle, alors que demander de plus ?