De Metropolis, on en revient avec un goût étrange. Non pas que le film soit désuet, il n'a pas vieilli, on ne s'ennuie pas, ou peu, cela grâce au génie de Fritz Lang, incontestable architecte d'une oeuvre grandiose. Metropolis, ville scindée, ville du futur, vision du monde avec un siècle d'avance, un siècle qui aura su témoigner des pires horreurs humaines, des pires inventions économiques, scientifiques. Gratte-ciels, béton, boulevards congestionnés, avions qui frôlent les tours, Lang a vu juste, les décors sont splendides, les effets spéciaux, pour l'époque sont plus que réussis. Si le charme opère, par la force de l'image, par la démonstration même des dangers de l'industrialisation, du capitalisme, d'une lutte des classes vouée à l'échec pour la majorité besogneuse, par la vision prophétique, mêlée de poésie et de science-fiction, on peut s'interroger sur le message même que veut nous faire passer Lang. Les ouvriers ne seraient donc qu'une masse servile, incapable de s'interroger sur sa propre condition car doublement soumis, à la fois par le pouvoir, incarné en une personne, mais aussi à l'attente d'une apparition qui tiendrait du miracle, religion opium du peuple, Lang a retenu la leçon, et sait aussi en donner, cinématographiquement, un peu moins idéologiquement. Mais cela n'est pas tant préjudiciable au film, si les rôles et les fonctions sont données de manière simpliste, certains personnages font tout de même part d'une certaine profondeur, et notamment le duo Fredersen-Rotwang. Le pouvoir n'appartenant pas totalement au premier, Rotwang est un démiurge, créant de ses mains ce qu'il veut, et contrôlant ce qu'il crée, Fredersen a le pouvoir sur sa ville, mais le contrôle total sur celle-ci s'avère impossible. La réconciliation finale, annoncée dès le début par la morale que l'on nous assène avec force, serait à coup sur fortement critiqué dans un film actuel. Difficile en effet de croire que le bourreau d'hier puisse ainsi serrer la main de ses victimes à bout de forces par la simple demande d'un homme incarnant toutes les qualités de justice et d'égalité dont on peut rêver. Mais la tension dramatique qui nous tient pendant tout le film, cette tension qui peut faire croire aux pires des évènements et surtout au pire dénouement, ne s'éteint pas dans ce dernier plan. La réconciliation est difficile, et Metropolis, la sombre et industrieuse, maison de tout les vices, reste debout, tour de Babel achevée aux fondations des plus fragiles. Au niveau du scénario et idéologiquement, on peut donc mettre le doigt sur une faiblesse. Peut-être aussi que Metropolis manque d'universalité, de par son propos biblique et son inscription dans un contexte précis, qui peut paraître un peu dépassé aujourd'hui dans le monde occidental, celui du monde ouvrier face au pouvoir dominant. Mais, le film de Fritz Lang est un très grand film, à l'ambition démesurée mais parfaitement achevée, un grand morceau de bravoure et de beauté.