Ca y est, voilà quelque chose de fait : j’ai vu « Metropolis ». Mais quelle claque… quelle claque ! L’une des meilleures de 2017, si ce n’est la meilleure. Totalement incritiquable, « Metropolis » va passer sous ma très jeune plume, qui j’espère, saura se faire apprécier. Mais par où commencer tellement cette œuvre parfaite, premier film classé parmi les documentaires de patrimoine mondial par l’UNESCO, ne peut échapper à mon engouement et ma vision du cinéma de Lang, et plus particulièrement au cinéma en général ? Cette perfection, on la voit dès le début du générique jusqu’à l’apparition de « The end ». De plus, Fritz Lang, réputé cinéaste travailleur et infatigable (les six cent vingt kilomètres de pellicules utilisés et les neuf mois de tournage ne vont pas dire le contraire !!), maîtrise son sujet et n’en est pas à sa première réalisation. Avant « Metropolis », son onzième long-métrage, d’autres projets de grande envergure (« Les trois lumières », « Docteur Mabuse, le joueur » ou « Les Nibelungen ») sont passés entre ses mains. En 1927, pour les besoins de « Metropolis », trente millions d’euros (d’époque !) sont mis sur la table par la société UFA (principale production allemande). Echec critique et commercial à sa sortie, le film mena la société de production au bord de la faillite. Monsieur Lang, oups !
Pour la version de 2011 que j’ai vue (je me trompe peut être sur la date), la rénovation de certaines images perdues sont insérées dans le film en des zébrures horizontales contenant des coupes partielles dans le montage. Tout d’abord, vous l’avez compris, « Metropolis » a subi de nombreux travaux de restauration. Dans l’histoire du cinéma, aucun métrage n’a subi autant de transformations que « Metropolis » (!). Le film du cinéaste, qui avait nécessité deux ans de travail pour toutes ces raisons, peut se targuer d’être l’un des premiers blockbusters de l’histoire du cinéma, avec les Méliès, autre artisan du genre (« Le voyage dans la Lune », « Le chevalier mystère »…). Premier point important pour ancrer un film dans la mémoire du cinéma. Bravo Monsieur le réalisateur.
Mais concentrons-nous un peu plus sur « Metropolis » mis en scène par un maître de cinéma, Fritz Lang.
Synopsis : en 2026, dans une cité souterraine, des ouvriers travaillent pour le bonheur des nantis vivant dans les jardins suspendus de la ville. Menés par une androïde, les ouvriers se révoltent… .
Thea von Harbou adapte le roman qu’elle avait écrit grâce à son mari Fritz Lang, également scénariste. Sur un fond de science-fiction (dont les codes vont ensuite être repris par Ridley Scott, Verhoeven, Proyas, Spielberg…), maître Lang en profite pour donner une autre dimension au métrage. Conteur hors-pair, le futur réalisateur de « M le maudit » transpose une romance interdite (tragédie), travaille le thème de la religion (toujours d’actualité encore aujourd’hui), de la différence des classes entre bourgeois et ouvriers (également enjeu actuel de notre société moderne) tandis que Madame Harbou, ayant déjà des penchants pour le parti nazi, porte son adaptation sur les prémices de la Seconde Guerre Mondiale. Malgré les différents de Thea et Fritz pour l’écriture du film et pour le visionnage qu’a effectué maître Lang se disant non satisfait de l’histoire adaptée de sa femme, on ne peut que se mettre à genou pour féliciter le travail de précision et d’orfèvre de par la qualité exceptionnelle du scénario, des personnages modernes (à l’image du concepteur de la ville) et des dialogues. Bravo ! A noter que le couple a accouché de quelques métrages dont « Les trois lumières » et « Les espions » avant que Lang ne parte s’exiler à Hollywood.
Et ici, ce n’est pas que le scénario qui est parfaitement maîtrisé. La direction d’acteurs (certes théâtralisée à souhait), les effets spéciaux (décors, costumes), la musique, le noir et blanc…, tout est méticuleusement préparé, travaillé et mis en scène.
Concernant les effets spéciaux, on touche au mythe Lang car l’innovation est de partie. L'équipe a dû inventer de nombreux effets spéciaux. C'est le chef opérateur Eugène Schüfftan (il travaillera pour Carné, Franju), expert et véritable pionnier, qui mit au point un procédé jouant sur les miroirs (l’effet Schüfftan, invention reprise par Sir Alfred dans « Chantage » sorti en 1929, puis par d’autres Harryhausen par la suite) et réalisa des miniatures de la ville parmi d’autres effets. Totalement subjuguant !!
Toujours en parlant d’effets, la chef costumière Aenne Willkomm (également collaboratrice sur « Les Nibelungen ») a dû créer deux costumes différents pour le double-rôle de Brigitte Helm (alors débutante !). Un pour le rôle de Maria, l’autre pour le robot. Un travail extravagant pour une classe indéniable. Robocop peut aller se rhabiller !
Les décors également sont réalistes, tout comme l’ensemble des compartiments dans lesquels se passent l’histoire emmené par le génialissime Lang. Et même s’ils sont simples aujourd’hui et que le metteur en scène a dû faire des compromis, jamais l’essence du scénario ou des personnages n’altèrent le découpage en noir et blanc et donc de la mise en scène de certains de ces décors. L’artiste Lang n’en a que faire et arrive même à se hisser au-dessus de cela grâce aux autres qualités de ce métrage.
Une de ces très grandes qualités, c’est bien sûr la musique fracassante, exaltante et frissonnante de Gottfried Huppertz (compositeur pour « Les Nibelungen »), perdue au fil des restaurations puis retrouvé, incessante mais néanmoins toujours utilisé pour mettre en relief l’histoire. Dramatique, enivrante, nerveuse et donc forcément lancinante et mirobolante, elle est le fil conducteur de « Metropolis ». Le la est donné. Tous mes chapeaux !!, Monsieur le compositeur.
Et pour parler casting, c’est du plus-que-parfait. Maître Lang s’amuse à nous jouer sa partition, car s’il ne faut retenir qu’un acteur, la tâche est complexe étant donné la facette complète des talents (certains débutants d’ailleurs !, d’autres, ami du réalisateur) qui s’ajoutent afin d’emballer ce film. On touche aussi le mythe ici. Brigitte Helm avec son interprétation miséricordieuse et robotique, Rudolf Klein-Rogge, maniaque et allumé est excellent dans son rôle d’inventeur, Heinrich George en surveillant de machine est juste dans sa bonhomie, Alfred Abel charismatique comme il se doit pour son personnage de chef de la ville, Gustav Fröhlich parfait dans le rôle du médiateur… . Tous les talents se conjuguent pour se mettre au service du métrage, languien.
« Metropolis » (1927) est donc avant tout un chef d’œuvre mitonné par un maître, Fritz Lang. Film d’auteur également car concocté par une famille d’artiste (Lang, von Harbou, l’ami Klein-Rogge) et de collaborateurs proches (compositeur, costumière, acteurs). Classique parmi les classiques, ce monument languien du septième art ne se renie pas et se doit d’être vu par tous et pour tout cinéphile que nous sommes.
Spectateurs, attention : « Metropolis » vous rendra …muet !