J'ai fait de 40 km pour aller voir ce film et je ne le regrette absolument pas ! Je n'ai même pas vu la bande-annonce, j'ai été directement interpellé par le sujet. Il est des films qui nous marquent à jamais, même en ne les ayant vu qu'une fois : Dog Pound, Requiem for a Dream, Collision... Des films aux thèmes abrupts mais nécessaires. " Parched " , La Saison des Femmes, fait partie de ceux-ci. La première scène est une des bulles d'air qui émaillent ce drame réaliste. On s'attend à assister à une comédie aux couleurs vives comme celles des tenues traditionnelles indiennes, une comédie avec ses moments de sérieux, de tristesse, avec un message féministe comme fil rouge, alors que Parched est une véritable plongée en enfer, dans l'horreur de la violence et de l'asservissement des hommes envers les femmes dans certaines régions du monde. Effectivement, passé le voyage en bus pendant lequel Rani et Lajjo, deux des héroïnes du long-métrage, s'amusent en profitant de l'air frais, on assiste aux négociations de familles en vue du mariage forcé de leurs enfants. Quelques minutes plus tard, arrivée dans le village désertique, lieu central de l'histoire, où le conseil se réunit : les femmes sont assises d'un côté, les hommes de l'autre. Lorsqu'elles s'expriment, on leur rit au nez, y compris les anciens qui président et décident. Lorsque la seule femme qui est allée à l'université prend la parole, son savoir, sa culture sont rejetés. À l'issue de l'assemblée, une jeune fille qui a fuit la famille de son époux, qui a fuit les viols, les coups, est renvoyée chez celle-ci malgré ses pleurs, ses cris, malgré ses dernières paroles : " Ils vont finir par me tuer ! " . Le décor est planté, la réalité, atroce, installée. Nous suivons donc l'histoire de ces femmes à travers tout ce qui constitue leur quotidien : le travail, l'entretien des maisons, la cuisine, la lessive, l'affrontement des difficultés financières, et cette violence, courante, silencieuse, sournoise, qui ne s'affiche pas en public mais éclate en privé. La plupart des personnages masculins du film ne sont bons qu'à paresser, boire, frapper leurs épouses et dépenser l'argent du foyer dans les spectacles de danse et les bordels. Il s'agit donc bien d'une oeuvre rendant hommage à ses femmes, sclérosées par le poids des traditions, ne pouvant accéder à l'instruction et qui luttent malgré tout à la fois pour survivre et pour faire vivre leurs familles, leurs foyers, supportent les plus grandes responsabilités et endurent les pires sévices. Mais Parched raconte également les histoires d'amitié, extrêmement présente entre ces différentes protagonistes, ce sentiment puissant qui les lient, permet d'encaisser le quotidien, d'atténuer les bleus, les blessures, qui permet même de sauver des vies
(Rani, la " nouvelle mère " de cette petite Janaki qui au départ la rejette puis finit par rejeter son fils indigne et offrir une évasion, un nouveau départ à sa fille d'adoption ! Quelle récit fantastique !)
. De magnifiques scènes illustrent ces moments, cette solidarité, cette tendresse ! Et au-delà, il y a ce désir de liberté, ce besoin d'émancipation qui finit par emporter les personnages dans leurs escapades, dans leurs départs... En résumé, ce petit film indépendant est une oeuvre colossale, parfaitement réalisée ! L'interprétation des actrices est si élevée qu'on se demande s'il ne s'agit pas de femmes qui jouent leurs propres rôles, si ce film n'est pas un documentaire. La musique est splendide. Beaucoup d'émotion, des scènes très dures (je m'étonne que ce film ne soit pas interdit au - de 12 ans...) , de l'humour aussi ! On se laisse entraîner par les délires de ces femmes, on admire leur courage, on désire de tout notre cœur qu'elles s'en sortent, qu'elles triomphent, vivent ! Un grand bravo à la réalisatrice Leena Yadav, à ses équipes et aux distributeurs qui ont permis à ce film d'exister, d'être diffusé. Vous aurez les yeux humides à plusieurs reprises et en sortant de la salle vous n'aurez qu'une envie : vous engagez dans une ONG en faveur du Droit des Femmes ! Parlez de ce film à vos proches, à vos amis, un maximum de personne doit le visionner. Cette situation existe malheureusement dans de nombreux endroits, de nombreux pays, mais elle est aussi présente autour de nous sous d'autres formes. Luttons contre ces habitudes, cette mentalité machiste qui pourrit nos sociétés, montrons-nous dignes de ce film, dignes de ces combats !