Jerzy Skolimowski n'est pas n'importe qui. Moins connu que Wajda et Polanski, ses aînés, il est l'un des grands cinéastes polonais depuis les années 60, avec une période féconde outre-Manche. Haut les mains, Deep End ou Travail au noir, entre autres titres, lui donnent une place bien particulière pour les cinéphiles. Il faut bien reconnaître que 11 minutes, après le surprenant Essential Killing en 2010, n'est pas le genre de films que l'on attend à voir tourner un réalisateur qui frise les 80 ans. Sur le plan formel, c'est du travail de virtuose avec un sens du cadre et de la mise en scène assez remarquable. On sera moins enthousiaste sur le fond de l'affaire : 11 minutes, ce sont celles vécues par une multitude de personnages, concomitamment à Varsovie. Une foule de petites histoires, donc, qui s'enchevêtrent pour certaines, qui sont vues sous plusieurs angles avec des protagonistes qui se croisent, ou pas. On appelle cela un exercice de style, dont le temps est dilaté par le montage, pour un résultat final de 80 minutes de film. On croise des bonnes soeurs, un vendeur de hot dog, un peintre amateur, une femme enceinte, un metteur en scène américain et beaucoup d'autres individus dont on suit la trajectoire par intermittence. Les seuls personnages dotés d'un nom sont au nombre de 3, deux parlent anglais et le troisième est un chien. Le problème de ce dispositif choral est qu'évidemment il n'y a aucune profondeur psychologique et une dispersion totale de l'attention vers les menues bribes d'information qu'il est possible de glaner. De toute manière, cela ne sert pas vraiment à quelque chose puisqu'il semble bien que Skolimowski s'intéresse avant tout à son climax final. Lequel, soit dit en passant, fait pschitt. En définitive, la construction sophistiquée et trop chargée de 11 minutes aboutit ni plus ni moins qu'à une sorte d'impasse. Bien léchée, certes, mais une impasse quand même.