Abattage d'un cochon, son passage de l'être vivant à pur objet de nutrition, voilà ce que s'engage à illustrer "Le Cochon" (France, 1971) de Jean Eustache et Jean-Michel Barjol. D'une allure de documentaire, ce moyen-métrage rural pourrait sembler appartenir à la fiction grâce à la linéarité de son récit et aux affects premiers. Cependant si l'amorce de l'histoire nous donne peine quant au cruel abattage de cette bête, Eustache et Barjol se font une nécessité de nous dépouiller de toute pitié, de tout affect. Ainsi l'apitoiement premier qui nous attache au cochon s'avère vite désuet. Le film illustre la nécessité du meurtre pour des raisons nutritives. Ainsi "Le Cochon" décrit par l'image les étapes de la vie à l'assiette. Confection du saucisson, du boudin, vidage des organes du cochon, au moins "Le Cochon" confirme que oui, tout est bon dans le cochon. Cependant, si le métrage possède un soucis de mise en scène, le son, représenté par les voix inintelligibles des paysans, le film ne creuse pas assez profondément. Le prodrome de ce film semble être, selon une lecture approfondie, le passage irréversible de la vie à la mort. Car le cochon, ne meurt pas véritablement lorsque le couteau vient pénétrer son gosier, il met 40 minutes pour trépasser, le temps que son corps soit dépecé, utilisé, mangé, reformé sous forme digestible. Et le fantôme du cochon assiste à tout cela, incarné par la blancheur ardente du cochon au sein du gris environnant. Pour conclure Eustache et Barjol signe là un documentaire intéressant en ceci qu'il témoigne de l'abattage peu vu du cochon malgré le fait que le film ne possède pas de charge émissaire profonde.