Le film débute en 1948, au Chili, après l’élection présidentielle (1946) de Gabriel González Videla qui persécute les communistes qui l’ont pourtant porté au pouvoir (c’est le début de la Guerre Froide). L’écrivain Pablo Neruda (de son vrai nom Ricardo Neftalí Reyes Basoalto), 44 ans, alors sénateur, le critique ouvertement et décide de vivre dans la clandestinité avec sa 2e femme (Delia del Carril, artiste peintre). Le film raconte cette poursuite ou plus exactement ce jeu du chat et de la souris entre Neruda qui sème des indices (des livres notamment) sur sa route à l’attention du jeune et tenace policier Oscar Peluchonneau chargé de l’arrêter. C’est un jeu pour Neruda qui met en scène sa vie de fuyard, tel un démiurge. La « poursuite » reste malheureusement artificielle et manque de réalisme et de tension [on est loin de l’ambiance de « L’armée des ombres » (1969) de Jean-Pierre Melville], s’agissant plus pour le réalisateur d’un exercice de style, certes réalisé avec brio : 2 comédiens exceptionnels (Luis Gnecco, 54 ans et Gael García Bernal, 38 ans), belle photographie, caméra aux mouvements fluides, belle musique (« Peer Gynt » d’Edvard Grieg), commentaire très littéraire en voix off mais cela reste assez froid, d’autant que Neruda (qui aura le prix Nobel de littérature en 1971) est antipathique [alors que ses poèmes sont si beaux, notamment « Vingt poèmes d’amour » (Quiero hacer contigo lo que la primavera hace con los cerezos) et « Les vers du Capitaine »] avec un égo démesuré, condescendant vis-à-vis de sa femme (l’artiste, c’est lui et non elle !) et dont il se séparera en 1955, sûr de son attraction sur les femmes et n’écoutant pas ses partisans (communistes) chargés de sa sécurité. Cela confirmerait la fréquente dualité des grands hommes, souvent odieux et mesquin dans la vie quotidienne (« Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre » ont écrit Montaigne, Hegel et Goethe). L’écrivain, joué par Philippe Noiret dans « Le facteur » (1994) de Michael Radford, était beaucoup plus humain. Le film, certes d’une facture plus classique, était plus attachant. Le policier qui le traque est finalement plus sympathique que lui (malgré un côté inspecteur de police Javert traquant Jean Valjean dans « Les misérables »).
Au bout de 14 mois, Neruda réussit à quitter, seul, le Chili en traversant à cheval la Cordillère des Andes et passer en Argentine. Il se rend ensuite à Paris en avril 1949 (pour assister au 1er congrès mondial des partisans de la paix). .