J'ai peu d'affinités avec la littérature sud-américaine. Je ne sais pas pourquoi: c'est comme ça. Autrement dit, je ne sais pas grand chose sur Pablo Neruda. Et ce n'est pas après Neruda que j'en saurais plus. Car ce film est tout..... sauf un biopic.
C'est une oeuvre intégralement baroque, qui ne saurait en aucune façon être signée par un Européen. Si, un Russe, sans doute, avec d'autres moyens, arriverait à récréer cette réalité délirante... En tous cas, le jeune Pablo Larrain est doué! Un talent unique, même si par moments on a l'impression qu'il tourne un peu à vide; qu'il y a un peu trop d'étincelles, et trop peu de fond.
C'est attrape moi si tu peux, l'histoire d'une course poursuite. Tantôt on est chez les Pieds Nickelés (le flic sur sa moto avec ses lunettes oeil-de-mouche); tantôt chez Sergio Leone (les superbes scènes finales de poursuite à cheval dans la Cordilière des Andes enneigée...)
Pablo Neruda est un diplomate, un sénateur communiste (bien qu'il ait soutenu la candidature de Videla?????) qui se retrouve donc dans une situation difficile quand le gouvernement commence à arrêter les communistes en masse.
Pas un biopic, ou alors à charge, car le grand homme est drôlement esquinté. Fêtard ridicule qui se déguise en Néron au milieu de filles à poil (apparemment, l'intelligentsia chilienne de gauche adorait ces festivités d'un goût douteux), profitant de son épouse peintre, riche et cultivée, Delia del Carril, (Mercedes Moràn, magnifique actrice!) avant de la larguer, et tout bouffi de son statut de GGRRRAND artiste, défenseur du peuple (avec lequel il ne partage rien...). L'acteur, Luis Gnecco, est lui aussi fantastique! Neruda se retrouve entièrement aux mains du Parti qui ne veut pas que son GRAND homme soit arrêté, et le trimbale d'une bout à l'autre du pays, de cache en cache.... sa seule liberté restant de jouer des tours à ses gardes du corps en s'échappant en douce pour faire une petite ballade en ville.... Assez pathétique, non? Mais le gouvernement souhaite t-il vraiment mettre sur la main sur Neruda? On peut se le demander: l'écrivain internationalement reconnu serait plus gênant dedans que dehors.... Mais il y en a un qui y croit, c'est l'inspecteur Oscar Peluchonneau, "El director general de la Policía de Investigaciones de Chile es el jefe máximo de la policía civil" (sic), car oui, malgré ce nom ridicule qu'on croirait inventé par quelque auteur de BD, il a bien existé...
Gael Garcia Bernal est stupéfiant! Affublé d'une ignoble moustache, sous en feutre et en imperméable cintré, avec une coupe de chevaux improbable, il ressemble à une petite frappe échappée de la rue Lauriston
Dans un tourbillon, ce que d'aucun appellerait une mise en abîme..... on est dans la tête de Peluchonneau qui, confronté au grand homme, se sent pousser des ailes, ou plus exactement, dans ce que Neruda imagine se passer dans la tête de l'inspecteur.
Brillantissime, inventif, du vrai cinéma excitant. A voir