Persistant dans le souffle de «Les Mauvaises fréquentations
», Jean Eustache réalise ensuite «Le Père Noël a les yeux bleus» (France, 1966). Sopiniâtrant dans le noir et blanc, peut-être le grain chromatique le plus approprié à la nostalgie eustachienne, ce film voit naître la collaboration liminaire entre Eustache et Léaud. Jean-Pierre Léaud devient là un impétueux nuageux, un ado gazier épris de duffle-coat : engouement juvénile chronique. Entre séduction minable et office rétribué (oui car la morale na pas dintérêt ici si elle nest pas féconde), Daniel (Léaud) bat le pavé, maintes fois interrompu par une rencontre fortuite où il en profite pour dénoncer une de ses tribulations alanguies. Et cest dans la fulgurance sourd de lapathie souple de Daniel que fulmine la richesse de luvre. Si la première partie figure les errements faussement ingénus de Daniel et Dumas, la seconde partie figure le nouveau labeur saisonnier de Daniel : travesti en Père Noël, le cynique adolescent porte les enfants et se fait prendre en photo. Quand la morale vient truffer limmorale, torsion de létat premier en un état outre, où laegipan prosaïque devient un nicodème. Daniel, devenu Père Noël, ne conserve que ses yeux bleus, le titre faisant manifestation de lincursion de lindécence dans la vertu. Mais la mue de Léaud tombe promptement, celui qui donne de soi pour la délectation des enfants évolue et propose à de jeunes dames de prendre une photo avec lui. Petit à petit, le Père Noël aux yeux bleus va prospérer de son accoutrement mystificateur et mignarder les femmes flâneuses. Ce jeu va même mener Daniel dans un béguin aseptique. Cest dans ce désarroi idyllique que «Le Père Noël
» tempête de lardeur quiète par la maîtrise eustachienne, maestria tant des dialogues que de la technique.Eustache, fort de son expérience présente, engage une uvre reflet, impatiente dune révolution. Ici le vertige émane du mélange savant entre le juste et la jeunesse.