L’Étape du Papillon a été suivi par une enseignante-chercheuse de l’ESPE de Bourgogne (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) et membre du CNRS. Ce projet a aussi reçu un avis favorable de la directrice académique des services de l’éducation nationale de la Côte d’Or rendant possible les prises de vues ainsi que l’accord écrit des familles.
"Mon fils, Zoltan, « grand bébé » lors de sa première rentrée scolaire en classe maternelle l’an dernier, est vite devenu un petit garçon, ayant fait des progrès énormes en terme de communication, de motricité, d’écriture. Neuf mois plus tard, au début des grandes vacances, Zoltan s’est mis à écrire son prénom, devant ses parents à la fois surpris et fiers.
Tout au long de l’année, en côtoyant les enseignants, les autres parents et leurs enfants, j’ai découvert la classe et la cour de récréation, des lieux éducatifs que je m’imaginais à la fois clos et protégés. Mon fils était confronté à de nouveaux possibles, qui m’étaient inconnus, à de nouvelles limites, et j’avais l’impression qu’une ligne de démarcation le séparait du « dehors » -le monde quelquefois dangereux des adultes- tandis que j’ignorais tout de ce qu’il vivait au « dedans ».
Ce qui a motivé mon désir de film était de voir « de l’intérieur» l’évolution et le développement d’un enfant dans le milieu scolaire, qui constitue souvent sa première confrontation à l’autre et à lui-même. Car il vit dans la salle de classe, ses premiers rapports sociaux, tandis qu’il est âgé d’à peine trois ans, et passe dès lors la plus grande partie de sa journée à l’école : si les enfants ne racontent pas, ne s’expriment pas, que sait-on de ce qu’ils vivent et ressentent au quotidien ?
J’ai voulu franchir ce périmètre, pousser la porte de l’école pour appréhender, puis restituer dans ce récit, ce que les enfants y vivent. Car il est difficile pour les parents de comprendre les objectifs implicites de l’école maternelle et de se représenter ce temps passé par l’enfant en bas-âge, ce vécu précieux qui nous échappe. J’ai donc choisi de filmer en immersion pendant une année scolaire dans la classe de petite/moyenne section (de trois à quatre ans) à l’école maternelle Chevreul à Dijon. C’est dans cet environnement qu’enseigne Nadia Gandrey. Elle accorde autant d’importance à des moments d’échanges privilégiés avec un enfant qu’à la mise en place d’une activité coopérative au sein de la classe. Elle encourage les enfants à l’éveil et à l’expression, grâce à la danse contemporaine notamment.
Mon choix, dans cette démarche documentaire, est de saisir les moments de grâce, où se mêlent la répartie, des excès de joie, des moments de colère, ainsi que les temps de jeu, en classe, mais également lors des récréations, lorsque les enfants laissent libre cours à leur imaginaire et à leur vivacité, sous le regard des adultes.
La « dramaturgie » du film naîtra des petits soucis et des grands tracas qui surgissent dans la vie des enfants, les obligent à s’adapter, et parfois les aident à s’épanouir : quitter son papa ou sa maman qui part travailler, arriver à s’endormir après avoir égaré son doudou, prendre les repas en collectivité, prêter un jouet sans entrer en conflit, se repérer dans l’espace et dans le temps, intégrer des règles, différer la satisfaction d’un plaisir immédiat, vivre ensemble et respecter les autres.
« L’Etape du Papillon » évoque la transformation, la métamorphose des enfants, l’idée d’un « avant » -la vie en famille- et d’un « après » - le début de la socialisation.
Il y a une évolution patente des enfants : les personnages progressent et s’affirment, après avoir surmonté les « épreuves » qui s‘imposent à eux. Pour figurer leur parcours et leur trajectoire, la temporalité de ce film sera rythmée par les quatre saisons : automne, hiver, printemps, été, comme autant de marqueurs de temps qui symboliseront les passages : l’oeuf, la chenille, la chrysalide, et enfin le papillon.
Au terme d’une année scolaire, ces enfants, sortis du cocon familial, auront pris leur envol. Les adultes pourront, le temps d’un film, retrouver l’univers des écoliers -celui du jeu, des premiers apprentissages –et, parfois, du déplaisir, de la brutalité ou de la solitude- renouer avec les émotions propres à l’enfance et, re-découvrir l’enjeu de l’école maternelle aujourd’hui : éducatif certes, mais aussi intégratif et préventif. »