Je vais aller à contre-sens de la plus part de ce qui est écrit sur ce film. Il m'a navré. On voit une sorte de compte de fées auquel on veut croire, qui nous prend par notre fierté et qui joue sur notre capacité à nous enhardir et à nous auto-célébrer. Il serait donc possible dans ce monde de loups du capital, de brutes absolues, de rester digne, belle, pleine de culture et de bon sens, de faire face aux pires promoteurs en mettant en avant avec discernement tout ce qu'on a de mieux. Ce film serait une leçon de vie pour intellectuels aisés. C'est d'une rare naïveté, c'est l'illusion enfantine du village d'irréductibles gaulois qui serait viable, chacun de nous pourrait être Astérix, sans pour autant être tombé dans une marmite de potion magique. Nous serions invincibles.
Cette dame, belle et digne, profite à plein du système capitalistique dans lequel elle est immergée. Elle en est le produit. Mais elle voudrait l'arrêter en ce qui la concerne, sur un point particulier qui ne lui convient pas du tout. Mais sa superbe voiture, elle sort d'où, quels sont les ouvriers qui l'ont fabriqué et qui sont corvéables par le capital, avec des salaires médiocres? Ses superbes habits, comment ont-ils été produits? Quel est le système qui lui a donné assez d'argent
pour se payer un prostitué?
et pour vivre aisément?
La dernière scène du film est bien entendu grandiose, quelle force et quelle détermination dans cette femme. Mais le film s'arrête là. Qui peut imaginer un instant qu'elle a gagné, comme le laisse entendre le film? Au contraire, il est évident que son action (ou n'importe laquelle) n'amènera rien de la part des loups du capital. Rien n'y fera, évidemment. Son combat solitaire de bobo grandiose est perdu d'avance, aucune chance, pourtant le film fait croire que non et on s'y complait.
Et encore, au Brésil certaines formes sont respectées. Voyez les milliers (millions?) d'habitants de Shanghai ou de Beijing (par exemple) délogés sans aucun ménagement de demeures historiques, pour laisser la voie libre aux promoteurs immobiliers qui ont bâti touts immenses sur les décombres, et des fortunes. Par ailleurs, le baron Hausmann a agit de façon analogue sur des milliers de gens, voir Wikipédia.
Ce film est désolant par ce qu'il véhicule, l'espoir incongru d'un combat individuel digne que l'on devrait mener et qui pourrait triompher.
En revanche il y a des points juste esquissés avec une force et une maitrise formidables. Depuis l'allusion à la couleur de peau, et donc les efforts immenses que la dame et sa famille ont dû faire, jusqu'à la servante, qui impose en un éclair la vue de la photo de son fils mort, et qui plombe un instant la célébration de vielles photos de cette famille de classe moyenne haute.
Le jeu d'acteurs est parfait, la photo et la musique font du bien, on passe un excellent moment.