Dominique Abel et Fiona Gordon collaborent depuis 25 ans en s'efforçant, dans leurs films et spectacles, de donner forme à un univers théâtral atypique souvent centré sur leur sujet préféré : la maladresse des êtres humains. Dans les années 1980, ils se sont installés dans une ancienne usine réaménagée à Bruxelles pour y fonder leur compagnie, Courage mon amour, avec laquelle ils ont mis en scène quatre spectacles. Au cinéma, ils ont fait leurs premiers pas dans "La Poupée" (1992) de Bruno Romy, devenu par la suite un proche collaborateur. "Iceberg" est leur premier long métrage et le duo en a réalisé trois autres depuis.
Issus du monde du spectacle, Fiona Gordon et Dominique Abel ont fait le choix "d'emporter" dans leur film les caractéristiques de la scène ("on doit transposer en permanence, trouver des trucs, des astuces en connivence avec le public", notent-ils). Ils expliquent : "Nous avons tourné pour la première fois en numérique, pour être plus mobile, plus léger, pour pouvoir se glisser dans la ville et auprès de ses habitants avec plus de spontanéité. C’est un désir d’expérimentation, d’un peu de bordel et de liberté, que ce soit au niveau du récit, du cadre ou de la musique. On a laissé opérer les hasards, on a composé avec les contraintes des lieux. C’était important pour nous, autant que de préserver notre esprit burlesque, d’ancrer cette histoire dans un milieu réel, peuplé, de faire de Paris un personnage, aussi, au corps cabossé."
"Partis de notre propre découverte de Paris dans les années 1980, nos premiers pas d’élèves chez Jacques Lecoq, nos rencontres les plus insolites (une véritable tante Martha et plus d’un clochard éclairé), nous avons écrit un film simple, personnel et – guidés par un désir irrésistible de résister à l’air du temps – joyeux."
"Au départ, les personnages devaient nous ressembler et mettre en valeur nos talents clownesques. Au bout de quelques pages, nous nous sommes rendu compte que le personnage de Martha représentait beaucoup pour nous : sa fragilité, l’urgence de sa situation, son désir d’autonomie. Nous avons donc élargi l’histoire pour inclure ce troisième corps cabossé à notre duo maladroit."
"Nous avons cherché dans Paris un parcours qui corresponde aux errances des personnages et nous avons trouvé l’Île aux Cygnes."
"C’est un refuge en plein Paris, on y croise des joggeurs matinaux, des amoureux, des touristes, beaucoup de chiens en laisse, mais aussi des sans-abri et d’autres personnes vivant dans la marginalité, comme Dom et sa tente minuscule, plantée au pied de la Statue de la Liberté, clin d’oeil à son état vagabond."
"C’est Paris sur les ponts et sous les ponts, ville lumière et ville d’ombre, entourée d’un condensé étonnant de grandes réalisations, mélanges d’époques, de signatures architecturales, croisements de voies rapides, de circuits touristiques… un chaos touché par une certaine grâce."
"Le décalage entre les hauts lieux iconiques et les coins cachés environnants nous plaît. On suit d’abord le regard de Fiona dans toute son innocence, on soulève un coin de cette toile de fond romantique et pittoresque et on découvre des endroits plus mystérieux, évoquant des histoires insolites, drôles, contemporaines, le monde de Dom."