Imagine une mer bleue,luisante sous un soleil brûlant,sublime,désintéressée.
Et au dessus d’elle,les dieux qui vivent leurs guerres,leurs amours,leurs passions,leurs déchirures.
Imagine Ulysse et Pénélope,imagine le puissant Neptune!
Imagine maintenant une ville commune à de nombreuses villes. Une ville d’été où,vers 14h30,personne n’est dans les rues tant il fait chaud. Imagine dans cette ville un petit appartement et dans cet appartement, un couple qui s’aime.
Imagine une femme qui demande à son homme s’il l’aime « totalement ».Imagine qu’il lui réponde qu’il l’aime « totalement,tendrement,tragiquement ».
Imagine que la mer que nous décrivions tout à l’heure,la mer sublime et désintéressée,soit un peu dans le lit où ils se parlent, que les dieux soient un peu dans leur vie, qu’ils soient un peu Ulysse et Pénélope.
Imagine que Dante ait dit un jour que « notre joie se métamorphose vite en pleurs, jusqu’à ce que la mer se fut refermée sur nous ».
Imagine encore cet homme au chapeau, celui qui aime « tragiquement » laisser sa femme, celle qui souhaite être aimé « totalement », monter dans la voiture d’un américain comme on confierait un bijou à quelqu’un qui nous doit de l’argent.
Imagine le Styx, imagine l’enfer des dieux grecs. Imagine la descente aux enfers du mépris des hommes.
Imagine qu’un jour, cette femme dise à cet homme au chapeau:« Je te déteste parce que tu n’arrives plus à m’attendrir ».
Imagine des escaliers qui n’en finissent pas et en bas, tout en bas, la mer encore, toujours cette même mer, bleue, bleue, terriblement bleue.
Imagine la fin. Devine le visage de cette fin.
Et enfin, maintenant que tu as tout imaginé, imagine qu’au tout début, avant la mer, avant les dieux, avant Ulysse et Pénélope, avant la ville et l’appartement, avant les mots d’amour, avant la phrase de Dante, avant l’homme au chapeau, avant cette femme, et même avant le mépris Jean-Luc Godard ait pointé sur toi une de ces caméras énormes du d’avant pour que tu te sentes