Jean-Luc Godard et les stars : presqu’une condition sine qua non. «Le Mépris» (France, 1963) unit deux célébrités de son époque : B.B. que se partagent les paparazzi (cf. «Paparazzi» de Jacques Rozier) ; J.-L. G. que s’arrachent et qui déchire la critique. Partagé entre ces deux sommités du moment –qui n’appartiennent pas franchement au même milieu-, «Le Mépris» raconte l’histoire «du cinéma (qui) substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs». Le monde du «Mépris» est composé de désir. Et le désir, dans sa nature, ne sait exister sans le mépris qui le menace. Du désir, le film bascule au mépris. Par le biais du scénariste Paul Javal (Michel Piccoli), Godard dévoile un état des lieux de l’industrie du cinéma. Dans ce monde en déclin, situé dans un Cinecittà vétuste, Fritz Lang est le gardien d’un art du cinéma typiquement européen que met en péril le producteur américain (Jack Palance). Derrière l’histoire d’amour entre Paul et sa magnifique femme Camille (Brigitte Bardot), Godard trace l’histoire du cinéma telle qu’elle s’écrit entre l’Europe et les Etats-Unis. Si la majorité de l’action se déroule au bord de la mer Méditerranée, à Capri, c’est en même temps parce que tout se joue au bord du gouffre, entre la certitude de la terre et l’instabilité de la mer, et parce que le film, bien que tourné en Europe, regarde du côté de l’horizon américain. B.B. n’est pas une star européenne, elle se fait, dans le film comme dans la vie, l’égale d’Ava Gardner, de Lana Turner, d’Angie Dickinson ou de Natalie Wood. Michel Piccoli, en revanche, scénariste de cache-misère, est un auteur à l’européenne, voire à la française, comme les Aurenche et Bost que Truffaut dépréciait tant. Il travaille dans le cinéma plutôt pour satisfaire les désirs de sa belle dactylo, que par amour du 7ème art. «Le Mépris» entreprend donc le récit d’une fracture, à travers un Franscope tout de même moins beau que celui d’«Une femme est une femme» (même s'il lui est supérieur).