Ça pourra paraître à certains assez étrange de vouloir aborder la forme d’un film avant le fond, pourtant j’avoue que je ne vois pas trop comment je pourrais m’y prendre autrement pour vous parler de mon ressenti au sujet de ce « Réparer les vivants ». Ce n’est pas que je veuille aborder un film avant tout tel un esthète à la démarche élitiste. Non, c’est juste que je considère qu’au cinéma, on a déjà plus ou moins déjà tout raconté et que, finalement, la seule chose qui fasse encore la différence, c’est la manière de nous faire ressentir les choses. Que ce « Réparer les vivants » entend aborder le sujet de familles frappées par le drame et la fatalité, c’est louable, mais ce n’est pas nouveau (surtout dans le cinéma français). Qu’il veuille y insérer une question d’actualité, comme celle du don d’organe – pareil – on connait déjà la démarche. Et dire que, sur le fond, ce « Réparer les vivants » ne m’attirait pas du tout, cela ne veut pas dire que, pour autant, rien n’était susceptible de m’attirer chez lui. Mais si j'y suis allé quand même c'est parce que j’ai vu sa bande-annonce et que la forme et l'atmosphère que j'y ai entraperçu avaient l'air d'être assez séduisantes (Mmmh cette vague ! Qu’elle était jolie !). Le problème, c’est qu’en fin de compte, malgré de belles fulgurances, le film s’est quand même révélé bien fade, bien maladroit, et – c’est triste à dire – mais la plupart du temps il s’est révélé souvent bien vide. Pour ne rien vous cacher, moi j’ai surtout aimé ces moments où le film s’est risqué à nous balader dans le ressenti et les perceptions des personnages. Certaines scènes sont d’ailleurs particulièrement bien foutues à ce sujet. Je pense notamment à
la scène de surf au début (avec de jolis plans sous-marins notamment ; une très belle scène de fantasme d’ascenseur qui en fait ni trop ni trop peu, mais surtout une scène d’accident vraiment magnifique en terme de visuel et de sous-entendus…
Manque de pot, ces moments d’exploration sont rares… Très rares… Trop rares… Trop de fois, le film s’abandonne au style paresseux du cinéma « qui doit faire vrai ». On a beau vouloir en faire un cinéma sans fard, pour moi ça a surtout donné un cinéma sans âme. La plupart du temps ce « Réparer les vivants » se limite donc à une simple narration illustrative.
Ah ça ! Dès que le pauvre Simon a eu un accident, on a le droit à toutes les étapes, sans créativité, intelligence, ou bien même pudeur. Ainsi le film va-t-il nous proposer dans l’ordre : la scène qui s’attarde sur la manière dont Marianne apprend l’hospitalisation de son fils ; la scène où on voit Marianne chercher son chemin dans l’hôpital ; la scène où on lui explique par le menu la situation de son fils ; la scène où Marianne voit son fils dans le coma ; la scène où elle évoque la situation aux parents des autres personnes prises dans l’accident ; la scène où l’ex-mari arrive ; la scène où ensemble ils RETOURNENT parler au médecin…
C’est long ; ça devient vite du pathos pour du pathos ; et au final pour apporter quoi ? Bah oui, Marianne est dévastée d’apprendre que son fils a eu un accident. Même si nous montrer la chose dans le détail permettra peut-être à certains de se mettre en empathie avec les personnages, au final on apprend rien. Bah si, ils sont tristes. Ils sont dévastés. Ils pleurent. Ils crient. Ils sont déboussolés. OK, ça fait vrai. Maintenant je n’avais pas besoin que le film y passe toute sa première demi-heure. Que des gens soient dévastés par l’accident d’un de leur proche, je suis capable de me l’imaginer facilement. Et, au fond, ce n’est pas m’exposer aussi longuement la perdition de ces personnages là qui me les fera connaitre davantage et qui, du coup, générera davantage d’empathie. Faire le choix de la longueur et de la mise en scène plate, pour moi ça n’amène rien à part de l’ennui et surtout une certaine forme de gêne à voir le film se complaire à exposer ainsi des gens en souffrance. Le pire, c’est que le film ne tire même pas parti de ces choix-là. En fait, le problème, c’est que ces choix de mise en scène « épurée » ne sont là que pour combler un flagrant manque d’idées. Le déroulement de l’histoire suffit à le démontrer. Il faut attendre plus d’une heure pour que la situation énoncée dans le pitch et la bande-annonce soit enfin lancée ! Oui ! Plus d’une heure ! Et le pire c’est que – comme je vous l’ai déjà dit – cette heure n’est pas remplie de scènes indispensables ou d’idées folles. Non. C’est plat. Ça traite les personnages les uns après les autres sans parvenir à les faire vivre et évoluer sur le long terme. Des fois des personnages disparaissent même des écrans radar pendant un temps hallucinant (si vous vouliez voir Bouli lanners, profitez bien au début, parce qu’après ça relève presque du caméo) Bref – osons le dire – c’est mal fichu. C’est… C’est français quoi. Et c’est triste à dire quand il y a quelques idées noyées dans tout ce marasme là. Enfin bon… Malheureusement, il est vrai que dans ce pays, on peut faire des films avec une intrigue plombée de trous d’air ; on peut proposer des scènes cadrées n’importe comment (filmer un mec assis à un bureau en caméra au poing : quel talent !) ; ou bien encore avoir recours à une photo sans cohérence ni élégance. On peut parce qu’on s’en fout ici : ça passera toujours. Alors pourquoi se fouler à être rigoureux ? Katell Quillévéré avait deux ou trois idées formelles qui lui sont venues en tête, elle s’est dit que c’était largement suffisant pour faire un film en France ; que c’était déjà bien plus que la grande majorité de la production, et le pire, c’est que pour ce dernier point, elle n’avait pas totalement tort. Seulement voilà, au regard de ce que le cinéma mondial peut nous offrir, ce « Réparer les vivants » ce n’est clairement pas au niveau. Et c’est d’autant plus dommage quand on se dit qu’entre les mains de quelqu’un d’exigeant, ça aurait pu être un film bien plus sympa.