J'aime beaucoup le cinéma de Claire Denis qui a la particularité dans quelques uns de ses films à arriver à être vraiment malsain et poisseux, je pense notamment à Trouble Every Day ou bien à Les Salauds. Ici on est un peu dans la même veine. Ici on sent à chaque plan que quelque chose ne va pas, que tous ces gens sont dérangés, qu'ils ont des problèmes irrésolus... Ce qui rend le plus réellement troublant, dérangeant et enivrant.
Disons que ce n'est pas un film agréable, loin de là, tout ça est assez étrange, on peut avoir du mal à comprendre où le film veut en venir, mais finalement l'expérience est réellement gratifiante. Disons qu'on a un final de toute beauté et une musique de fin chantée par Robert Pattinson lui-même qui vaut clairement le détour et récompense le spectateur pour tout ce qu'il vient d'endurer.
Néanmoins je dois dire que le film pue le manque de budget, on commence Pattinson est dans l'espace en train de parler à sa famille avec une sorte de baby phone de l'espace. Il laisse tomber une clé à molette dans le vide et... ben... elle tombe... idem lorsqu'il jette des corps dans l'espace, ça semble tomber. Il y a un vrai problème avec la gravité. Surtout qu'on se retrouve avec une porte qui mène aux espaces infinis qui semble être une porte normale... pas particulièrement sécurisée... Et le fait que les astronautes ne portent pas de bouteilles d'oxygènes et la légèreté de leur combi n'aide pas à rendre le tout crédible.
Le pire étant que le vaisseau spatial de l'intérieur ressemble à des appartements de l'URSS, mais pas à un vaisseau spatial.
Mais une fois qu'on a réussi à entrer dans cet univers de SF un peu particulier on apprécie le réalisme scientifique. Je veux dire qu'un trou noir ressemble à un vrai trou noir, que le vaisseau voyage à 99% de la vitesse de la lumière et que par conséquent le temps "ralentit" pour les gens dans le vaisseau comparé aux gens sur Terre, etc. Ce qui donne d'ailleurs lieu à de très belles séquences oniriques.
Le film est extrêmement sensoriel et la musique éthérée renforce cette impression de planer. Le film semble avoir un gros problème avec le sexe, le viol, l'insémination artificielle, les fluides corporels, l'orgasme... puisque tous ces prisonniers de l'espace participent à une expérience étrange à base d'insémination artificielle, se masturbent dans une pièce étrange... et ne peuvent résister à leurs pulsions sexuelles.
Tout ça rend la relation entre Pattinson et sa fille extrêmement ambigüe. On voit que la fille veut rester seule avec son père, c'est malsain au possible. Et en même temps on est plongé au cœur de l'univers dans cet espace infini... enfermant pour l'éternité les deux personnages ensemble. Il y a un côté freudien qui côtoie quelque chose d'extrêmement métaphysique qui donne au film toute sa beauté.
Et puis comme dit... la fin... la fin est juste formidable, une pure expérience visuelle et sensorielle de cinéma. Quelque part elle m'a rappelée un peu la tendresse infinie qui se dégageait de la fin de 4h44 dernier jour sur Terre. On y sent l'aventure, quelque chose qui nous dépasse et une certaine forme de beauté et d'amour. C'est grandiose.
Je ne sais pas si High Life est un film aimable, mais c'est un bon film, qui tourmente son spectateur par ses choix, son ambiance et même par son esthétique un peu fauchée qui contribue au sentiment de malaise évident.