Beaucoup ne se sont pas remis de la surprise provoquée en 2005 par le premier Brice de Nice. Adaptée d’un sketch de Jean Dujardin, réalisée par le débutant James Huth, cette comédie grotesque inventait sans aucune forme d’inhibition un nouveau territoire comique, une langue bizarre, difficile à élucider, entre la pastille télé, le cartoon et le burlesque dégénéré des Farrelly Bros.
L’idée de retrouver le même casting dix ans plus tard, dans une suite baptisée Brice 3 (“parce que le 2, je l’ai cassé” : bonne vanne), suscitait légitimement quelques doutes : comment allaient-ils éviter la sensation de réchauffé ? Comment ressusciter cette figure de la télé, désormais un peu datée ? Réponse : en poussant encore plus loin les curseurs de l’idiotie et du non-sens.
Revoilà donc le vieux héros peroxydé, surfeur gogol fan de Patrick Swayze et disciple de la casse, cette fois-ci contraint de quitter la plage de Nice pour partir à la recherche de son fidèle ami Marius (Clovis Cornillac), empêtré dans une sombre affaire du côté d’Hawaï. La première partie, de loin la plus réussie, exploite dans une suite de séquences gratuites et hilarantes le principal ressort comique du personnage de Brice, ce rêveur “au cerveau d’huître” qui se heurte sans cesse à un monde d’incroyants et de cyniques.
Recourant à tous les artifices possibles, effets spéciaux cheap, apparitions divines, corps déformés et martyrisés, James Huth enchaîne les gags visuels dans un grand ride slapstick, qui rejette toute forme de réalisme ou de vraisemblance – ainsi que le résume une mise en abyme assez gonflée et théorique, dans laquelle un Jean Dujardin grimé en Père Fouras exhorte les spectateurs à abandonner leur scepticisme.
Le pari est audacieux, à l’aune d’une comédie française qui ne jure que par la sociologie de comptoir façon Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, mais il n’est pas tout à fait gagné. À mi-chemin, le film se fige brusquement, tandis que le récit patine dans une intrigue relou de double maléfique et répète ses propres effets, comme effrayé par son potentiel de débordement et de folie.
Il s’en est fallu de peu pour que ce Brice 3 soit une grande comédie. C’est en l’état une précieuse anomalie, le chaînon manquant entre le cinéma mainstream et l’art absurde de Quentin Dupieux.