Le début des années 2000 nous a offert une belle collection de personnages cinématographiques dont les aventures ont fédéré des millions de spectateurs. Si certains comme Alphonse Brown ont rejoint les limbes, d'autres comme la britannique Bridget Jones ou le « surfeur winner » Brice de Nice ont laissé de tendres souvenirs chez les spectateurs. Ils ont aussi laissé de belles traces dans les livres de comptes des producteurs et de l'équipe créative. C'est aussi probablement un peu ce qui explique leur retour sur nos écrans près de dix ans plus tard. Mais ici aussi, il y a deux catégories : ceux qui trouvent un nouveau souffle à traiter ce qu'est devenu leur personnage en dix ans et créent une comédie honnête et nostalgique ( Bridget Jones 3) ; et ceux qui tombent dans tous les pièges de la comédie ringarde et purement mercantile. Si James Huth et Jean Dujardin ont voulu voler à Pédale Dure le trophée de la pire comédie du cinéma français, c'est parfaitement réussi.
Nous retrouvons notre surfeur devenu vieillard. Il n'est alors plus aussi « jaune » qu'avant. Pour une raison que nous ignorons, il raconte des histoires à un groupe d'enfants dont nous ne savons le lien qu'il a avec eux, jouant les « Père Castor » du pauvre. Lassés par sa mythomanie, ceux-ci exigent de lui une histoire véridique. Brice narre alors son aventure la plus extraordinaire qui le mena jusqu'à affronter son double maléfique à Hawaï. Nous pourrions passer sur le fait que l'histoire ne brille pas par son originalité. Après tout, il devient difficile, voire impossible, de créer de nouvelles histoires. Et une comédie n'est pas jugée par sa capacité à nous raconter quelque chose de nouveau, mais sur sa capacité à agencer les événements de telle façon qu'ils nous surprennent et nous fassent rire. Disons le tout net, c'est un ratage total ! La faute à des gamineries éculées et un sérieux problème de rythme. Cet humour potache et jouant sur la débilité du personnage était à la mode il y a dix ans, mais le goût du public a changé. Le public de l'époque a grandi et les jeunes de maintenant ne rient plus de la même chose. Cela fonctionne encore moins quand certaines blagues s'étirent en longueur et qu'on a l'impression que Dujardin se regarde jouer. D'autre part, James Huth, qui n'est déjà pas un bon réalisateur en ceci qu'il ne sait pas offrir de bonnes images, confond encore une fois le rythme échevelé que doit avoir une bonne comédie avec le rythme épileptique qu'il semble affectionner. Il pense encore qu'une musique poussée à fond et un montage digne des plus mauvais films de Poiré font une bonne comédie. Les comédiens ont beau être très bon par ailleurs, on les sent se débattre pour interrompre un naufrage déjà bien entamé.
Mais tout ceci était prévisible dès la campagne promotionnelle d'un autre temps. Cela a commencé par l'astuce du titre du film : Brice 3 parce que le 2 je l'ai cassé ! ». Cette astuce aurait pu éventuellement tirer un sourire de notre part si elle ne faisait pas écho à un projet de titre qui existait pour la suite d'un autre succès populaire : Pédale Douce. Avant de porter le titre de Pédale Dure, le film était présenté sous le titre Pédale douce 3, elles étaient tellement folles qu'elles ont oublié le 2. Contrairement à Dujardin et Huth, ils n'ont pas gardé cette idée, et c'était heureux. Le film était déjà suffisamment raté comme cela, pas besoin de le plomber encore plus avec un titre pareil.
Autre idée marketing de « génie » encensée par les journalistes du net, autre plagiat. A quelques jours de la sortie, l'équipe met en ligne un faux fichier du film disponible sur Youtube. Si on peut bien y voir les premières minutes, celles-ci sont interrompues par Brice faisant l'idiot pendant plus d'une heure. C'est ingénieux ! Ce serait drôle et innovant si Jan Kounen n'avait pas fait la même chose sur les réseaux de Peer-to-peer pour la sortie de son Blueberry. Rien de nouveau donc.
Alors que Jean Dujardin a su nous montrer maintes fois toute la palette de son talent d'acteur au cour de ces dix dernières années, il a aussi su nous montrer les limites de son talent d'auteur comique. Que ce soit à la télévision avec Le Débarquement ou au cinéma avec Les Infidèles, ses textes tournent souvent à la blague potache entre potes qui ne passe pas la barrière de l'écran. Espérons juste que ce film sera oublié aussi vite qu'il semble avoir été écrit.