Il y'a plein de mécanismes implicitement jonchés dans le noir qui interfèrent avec le choix des personnages, et dont le scénario se chargera d'expliciter au fur et à mesure que l'histoire progresse qui, avec une habileté rare, finit par donner une structure globale à sa proposition de départ.
Le risque d'incohérence pour ce genre de cinéma centré sur une "logique désarticulée" (parfois une logique de guignol) dans le fonctionnement de l'antagoniste, s'amplifie au fur et à mesure que son champ d'action augmente. Parce que dès le départ, le scénario s'est fixé des "dispositifs" (à son fonctionnement) qui participent sensiblement à l'évolution du trame scénaristique. Et cette même "logique" pour prendre véritablement de forme, se nourrit de ces dispositifs déjà instaurés, dispositifs qui dictent l'évolution psychologique des personnages et les choix qui en découlent. Raison pour laquelle si ces "dispositifs" sont mal gérés dans un scénario ou que le scénario est mal géré dans son évolution parce que certains dispositifs lui font parfois obstacle, cela peut forcément influer sur la crédibilité des personnages (antagoniste(s)/protagonistes). Ce qui nous amène donc au problème des incohérences que l'on remarque dans la plupart des films de ce genre (je salut "La Nonne" de Cory Hardy au passage). Et le fait que certains de ces dispositifs tombent à plat dans certains cas de figure, est que le scénario a souvent tendance à sacrifier ce soupçon de réalisme qui pourrait naturellement apporter plus de nuances à l'ensemble. Et c'est avec ces mêmes "dispositifs de fonctionnement" que le scénario se charge de nous manipuler à sa guise. On remarque à cet effet des spectateurs se plaindre parfois des choix absurdes ! de certains personnages, choix qui vous sortent littéralement de l'ensemble.
Mais il faut aussi comprendre par là que tout ne se résume pas aux dispositifs. Il y'a aussi des choix à adopter dans le processus établi d'avance par ces mêmes dispositifs. Et on se rend bien compte que plus les choix obéissent aux normes d'écriture des personnages, et plus la "méthode" adoptée devient crédible, justifiant par là la véracité des personnages (antagoniste(s)/protagoniste(s)). Et il devient plus facile au spectateur d'adhérer à ces choix quelque soit l'ampleur de la menace. Ces choix deviennent même indispensable pour le scénario. On peut citer à cet effet "The Lights Out" et tant d'autres films qui réussissent à établir avec clarté les véritables enjeux de la menace, sans que celle-ci en perde de sa crédibilité. Parce que les choix établis par les protagonistes lui donne une véritable raison d'exister : une motivation. Et cette "logique désarticulée" - imprévisible dans son aspect, flottante ou devrais je même dire guignolesque ! n'a pas lieu d'être, car le spectateur comprend les réels motivations de l'antagoniste, dans ce cas-ci sont parfaitement connues, malgré le fait que ce dernier soit toujours imprévisible dans son aspect. La menace (ici l'antagoniste en question, comme entité ou créature) reste cohérent dans son ensemble et les autres personnages (le(s) protagoniste(s)) avec elle. Et la raison qui fait fonctionner toute cette machinerie se résume à sa faculté de ne jamais perdre ce soupçon de réalisme qui rend l'œuvre plus cohérent quelque soit les tournures ou les dimensions prises. Dans "Annabelle : Creation" comme dans "La Nonne" ou dans "La Llorona" c'est une toute autre histoire.
Par exemple : la règle veut que dans "Annabelle : Creation" les protagonistes soient bêtement ! attirés dans des pièges qu'ils pouvaient deviner à l'avance. La maladresse dont l'écriture fait preuve révèle parfois une certaine paresse scénaristique qui fait entorse à certains dispositifs déjà assimilés, ici se veut d'être justifier par une espièglerie propre à l'enfant. Car il y'a dans "Annabelle : Creation" certains choix qui ne peuvent pas être prises pour de la curiosité. Parce que ce sont ces dispositifs scénaristiques qui dictent le caractère des personnages, en leur donnant une certaine allure - voire une certaine crédibilité tangible qui permet au spectateur de s'acclimater, et même de s'identifier à eux. Et les choix qui découlent des personnages (ici exposés à des menaces) ne doivent jamais perdre le spectateur en cours de route. Car jouant toujours sur la sensibilité des protagonistes que l'antagoniste précède de ses atouts surréalistes qu'il va opposer à ceux inférieurs de ses proies sans jamais - lui aussi - perdre en cours de route son véritable objectif. On se rappelle des apparitions inutiles de la nonne maléfique, et les intentions confuses de la dame pleureuse (La Llorona) qui se permettait de nettoyer les cheveux de la petite au lieu de passer à l'acte. Cela nuit malheureusement l'intérêt du spectateur.
Ces marionnettistes préfèrent (expressément) emprunter des détours incompréhensibles qui font entorse à l'ampleur des enjeux déjà instaurés, en minimisant -avec une tartuferie assurée- le danger, parce qu'il y'a un des "dispositifs de fonctionnement" érigé en règle qui se soucie de privilégier certains personnages plutôt que d'autres ("cette logique désarticulée" dédiée au fonctionnement du protagoniste fait ici son effet) car ce qui est valable pour certains personnages de seconde zone ne l'est pas forcément pour d'autres, allant jusqu'à créer pleine d'interrogations à l'égard du spectateur sur l'aspect de la menace en question. Ce qui fait que leurs prémisses de base se voient immédiatement remis en cause. On voit chez Andrew W. Marlowe avec son ange déchu (qui cherche plutôt à se faire désirer que de passer à la vitesse supérieure) retardés l'inévitable, parce que s'ils y risquent, c'est la durée finale du film qui va en subir. Ridicule ! Et on arrive à se demander (en rigolant) si enfin de compte le diable est réellement puissant que ne le prétend ses allures outrancières. Parce que tout ce qu'il sait faire au fond c'est attirer bêtement l'attention sur lui avant même de penser à son objectif premier qui est tout simplement de se faire discret. Non seulement les choix de l'antagoniste nous montrent qu'on a affaire à un crétin abouti, mais le scénario nous prouve d'avantage que ce dernier est un crétin bruyant.
Ils trahissent leurs prémisses de base parce que le mécanisme instauré chez l'antagoniste se voit incompatible avec les exigences du scénario. Dans "Lights Out", David F. Sandberg parvient à se démarquer de ce classicisme : ne perdant jamais de vu la thématique du surnaturel, il parvient à démystifier le caractère transcendant de la menace en conservant certaines de ses attributs ou archétypes humains sans toutefois ôter le mystère autour d'elle. Sandberg dépeint la vieille mythologie du spectre vengeresse, en donnant à l'entité un caractère tangible qui lui donne toujours un but précis à atteindre. Il donne à cette dernière une raison d'exister, en faisant correspondre le mobile de ses actions à des obsessions qui restent fidèle à ses origines. Plus proche de l'humain comme jamais dans sa qualité spectrale - ici la menace en question, Sandberg attribue à cette dernière un mécanisme qui ne contre dit jamais sa mythologie de base. Rendant la présence de la menace décisive ! À chaque fois qu'elle apparaît sur la scène.
Adapté de son court-métrage qui a terrifié la Toile en 2013, "Lights Out" au budget plus que raisonnable, est le premier long métrage du réalisateur suédois. Tout en s'amusant à nous faire peur, il jongle avec les codes horrifiques dont la maîtrise dénote un(e) certain(e) respect/admiration pour le genre. Ce dernier excelle par son savoir-faire ingénieux qui assimile la sobriété à la profondeur dans sa mise en scène. Robert F. Sandberg (à qui l'on doit le second volet de la poupée Annabelle sorti en 2017) entend revitaliser les obsessions primaires qui ont marqué notre enfance : la peur du noir, en reprenant les mêmes archétypes qui ont façonné la plupart des films de son modèle (James Wan) à savoir : la famille, l'enfance, la terreur du noir... Situant sa mémoire créatrice dans les racines de l'épouvante classique, en lorgnant spécifiquement du côté de "La Maison Du Diable" (1963) de Robert Wise, le réalisateur suédois (tout comme son modèle) démontre encore une fois que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes.