Mieux vaut ne rien savoir de ce film avant de le visionner. Si c’est le cas, les premières minutes vont se révéler très intrigantes. Ainsi donc, si effectivement vous ne voulez pas en savoir plus, je vous invite à ne pas poursuivre cette lecture plus avant. Car le spectateur va comprendre rapidement que l’intrigue va se tisser autour de cette fausse blonde, déjà par le plan semi-circulaire autour d’elle alors qu’elle trimbale sa valise sur un pont parisien, ensuite par cette note qui se prolonge et qui gagne en intensité lorsque la caméra se pose fixement sur elle alors que le train la ramène dans sa région natale. C’est d’ailleurs ainsi que je décrirais ce film : "Irréprochable" sonne comme un note qui reste indéfiniment suspendue tout en prenant de la force au fur et à mesure que l’intrigue avance jusqu’au dénouement final. Pour vous faire une image un peu plus précise, et tant pis si cette métaphore vous parait totalement loufoque (car elle l’est), c’est un peu comme le "Boléro" de Ravel : ça démarre doucement et ça finit en apothéose, vous laissant estomaqué, le souffle court, un brin saoul. Sauf qu’ici il s’agit de la même note. De plus, Sébastien Manier s’est montré remarquable dans la construction de son film, notamment au niveau du scénario. Alors qu’on croit avoir un certain nombre d’incohérences et de lacunes concernant Constance au début du film, les pièces du puzzle se révèlent les unes après les autres pour combler ces manques. Ces éléments dessinent peu à peu les contours d’un portrait, un portrait qui va être finalisé avec le plus de précisions possibles (sans que jamais les traits de caractères ne paraissent futiles) mais dont je vous laisse le soin de découvrir si ce n’est déjà fait. Et assurément, cette Constance dérange. Elle dérange autant le spectateur que certains protagonistes (je pense plus précisément à Alain, joué par Jean-Luc Vincent), et même davantage. Car c’est là que repose la vraie force du film : sans paraître exceptionnel, il capte toute l’attention du spectateur. Celui-ci a envie de savoir ce qu’il va en être, envie de savoir pendant combien de temps Constance va tourner autour du pot, envie de savoir jusqu’où elle est capable d’aller, envie de savoir si elle va aller au bout de sa logique. Toutes les suppositions sont valables, bien que le pire ne soit dans un premier temps envisageable, du moins jusqu’à ce que d’autres facettes du personnage soient révélées. Si le spectateur est pris de la sorte dans ce tourbillon d’incertitudes, on le doit aussi à l’éblouissante prestation de Marina Foïs, pour le coup… irréprochable. Oui je sais, le jeu de mot était facile, mais si tentant et surtout si approprié. D’autant que Constance se voit comme quelqu’un d’irréprochable alors qu’en réalité son personnage regorge de façons d’être pour le moins dérangeants et contestables. Le fait est que Marina Foïs est magnifique de contrastes, tant et si bien que ça me navre de ne pouvoir en dire plus car ça enlèverait une grande partie de l’intérêt dans la découverte de cette psychologie décidément très contrariée. Le tout est distillé sur un rythme propre aux thrillers psychologiques. Car ça en est un ! Certes la musique n’est pas toujours utilisée à bon escient, certes on a vu mieux dans le genre, mais on a vu bien pire aussi ! Cette première réalisation de Sébastien Marnier est prometteuse, bien que quelques petits effets de style auraient été les bienvenus pour rendre les traits de caractères plus puissants encore. Parfois, j’ai eu la sensation que la caméra était un peu trop contemplative. Alors même si ce film ne restera pas dans les mémoires, il n’empêche que Marina Foïs tient là un des meilleurs rôles de sa carrière, si ce n’est le meilleur tout court.