En ce début d’été, ce petit thriller sorti sans grande promo est un premier long métrage. Sébastien Marnier, qui a coécrit le scénario, offre à Marina Foïs un rôle difficile qu’elle tient à merveille de bout en bout. C’est un premier film qui fait déjà la démonstration d’une belle maîtrise de la part d’un réalisateur visiblement très appliqué. Il nous offre des jolis plans, il place sa caméra judicieusement, il habille son film d’une musique efficace, agréable à l’oreille et qui accompagne ses images sans jamais les parasiter. Et puis, ce que je trouve intéressant, c’est que cette application derrière la caméra n’est pas gratuite, elle veut dire quelque chose de la personnalité de Constance (le jeu de miroir), de ses sentiments (les passages de l’ombre à la lumière et vice-versa), en résumé, ce n’est pas joli pour faire joli, c’est plus réfléchi que cela et ça montre surtout que Marnier à un talent qui ne demande qu’à s’affirmer à l’avenir. Alors, on pourra objecter que le rythme très « statique » du film donne une impression de tirer un petit peu en longueur, c’est vrai. C’est un thriller qui est construit sur un faux rythme, avec peu de scènes choc, qui joue beaucoup sur les non-dits et sur le silence. Alors parfois on se dit qu’on aimerait bien un peu plus de rythme, certaines scènes sont un peu superflues (les scènes avec Gilles notamment, dont on a du mal à comprendre parfois la pertinence). Mais ce ne sont au final que des défauts mineurs, des défauts de « premier film » peut-être. Marina Foïs, que j’aime beaucoup et qui n’a pas joué que dans des comédies et des films faciles (loin s’en faut), incarne avec justesse une femme insondable, dont on ne sait jamais trop quoi penser, dont on ne sait jamais si elle prémédite ce qu’elle fait ou si elle improvise, une femme qu’on aimerait bien plaindre sans jamais y parvenir. Elle ment trop, elle manipule trop, on devine chez elle très vite (et tout le film ne fera que le confirmer), la tendance perverse narcissique qui a dirigé toute sa vie, toutes ses relations avec les autres et pas seulement avec les hommes. Elle en impose tellement, Marina Foïs, que les autres paraissent un peu fades à ses côtés : Jérémie Elkaïm en ex boy-friend (bien trop gentil), Benjamin Biolay en amant pervers et sans affection et Joséphine Japy en jeune conseillère immobilière. Cette dernière à tout de la victime sacrificielle en puissance : plus jeune, plus jolie, habitant une belle maison (celle de ses parents mais quand même), amoureuse d’un garçon de son âge mais courtisé par son collègue, cette femme représente tout ce que Constance voudrait être (ou voudrait encore être) et tout ce qu’elle voudrait avoir (ou voudrait encore avoir). Les comédiens ne sont pas en cause, c’est juste que le scénario leur donne des rôles de gens somme toute normaux face à une personnalité complexe et machiavélique, alors forcément ils ne font pas vraiment le poids ! Le scénario de « Irréprochable » est efficace dans le sens où l’on sent que le personnage de Constance est en permanence capable du pire, on ne sait jamais si ce qu’elle fait relève d’un plan ourdi ou si elle se laisse mener par les évènements et ses pulsions de perverse. A plusieurs reprises, on frôle le drame, on croit qu’il est imminent, et puis non, elle se contente d’une petite méchanceté, d’un petit coup en douce, d’un mensonge. C’est un film assez anxiogène, pour un thriller c’est la première des qualités ! Ce qui est intéressant aussi, c’est ce que l’on devine de ce personnage sans que jamais cela ne soit vraiment énoncé, juste au travers de quelques détails : sa garde robe (minimaliste et un peu étrange), son aversion pour les pendules, sa relation avec une mère visiblement alcoolique chronique, sa façon quasi obsessionnelle de faire du sport, l’absence totale du père, etc… Ces petits cailloux semés tout au long du scénario, sans jamais que ces choses ne soient creusées, laisse le spectateur faire sa petite analyse personnelle de ce personnage si dérangeant. Franchement, moi j’ai aimé ce scénario qui vous donne des clefs mais sans jamais vous dire quelles portes elles sont censées ouvrir, c’est malin et c’est efficace. L’image de fin, qui clôture une scène de fin très dérangeante, est à l’image de ce que je viens de dire : on peut lire beaucoup de chose dans le regard pétrifié de Jérémie Elkaïm, et on peut essayer d’imaginer ce qu’il adviendra de Constance et de son cynisme quasi assumé. Mais on ne peut que l’imaginer, puisque le film s’arrête brutalement, pile sur cette interrogation. « Irréprochable », en dépit que quelques longueurs et de quelque petits défauts peut se targuer d’avoir un scénario solidement crédible et anxiogène, pour un premier film, c’est très prometteur.