Dernier d’une lignée de films dont on ne sort jamais indemne, les films sur la mafia, Suburra est l’œuvre de Stefano Sollima, et relate la violence inouïe de la vie dans le quartier malfamé de Suburra, à Rome, entre meurtres, drogue, sexe et combines politiques.
La toxique corruption des institutions italiennes qui forme le cœur d’un film, qui à défaut de sortir des sentiers battus ou d’ouvrir d’autres voies, utilise un dispositif scénaristique savamment structuré, pour montrer la portée immense d’une erreur sur l’ensemble d’un système bâti sur la précarité de ses composants.
Tout part d’un député du gouvernement qui assiste à la mort accidentelle par overdose, d’une des deux prostituées avec qui il passe la nuit, mineure qui plus est. Fuyant la scène et laissant à la collègue de la défunte, le soin de s’occuper du corps, celle-ci appelle un de ses amis, jeune loup de la mafia tzigane locale. S’ensuivra ensuite une série d’évènements, impliquant le proxénète de la prostituée survivante, le chef de la mafia tzigane, un des grands pontes de la mafia italienne, ainsi qu’un jeune prétendant au titre de barbare en chef (cette insoutenable scène du marteau) et sa petite amie fidèle mais droguée.
Après un début assez lent, mais qui annonce ce qui sera un exercice formel bien maîtrisé, le film dévoile sa démarche : montrer la violence impitoyable et sans limites à l’œuvre dans cette Italie moderne, l’équilibre instable des pouvoirs, l’aliénation psychologique anéantissant la dignité de celui, qui possédé par un chef mafieux, ne possède plus la moindre liberté, ainsi que l’étendue de cette corruption généralisée, qui définit tout un système qui a oublié toute idée de justice.
Les affrontements entre ces différents intérêts, structurés autour du vote d’un projet de loi sur les banlieues et le littoral romain, résultent en des descentes aux enfers parallèles, beaucoup se soldant rapidement par des morts soudaines et brutales.
Le propos n’est donc pas neuf, mais est servi par d’efficaces interprétations et une mise en scène dynamique, bien que très dramatisée et à laquelle nuit une certaine grandiloquence esthétique (particulièrement la musique, trop solennelle, qui tombe à côté).
La réflexion sur la nature du pouvoir et le danger psychologique que celui-ci représente, avec pour exemple le personnage du député, Malgardi, dévoré par l’avidité, l’égoïsme, et la peur, est intéressante et fait la singularité de l’approche du film sur un milieu que l’on a beaucoup vu à l’écran.
Mise à part la violence difficilement supportable de certaines scènes (le chien, au secours…) et le caractère parfois prévisible du scénario, l’ensemble est bien mené et l’effet de choc et d’horreur fonctionne sur le spectateur (qui a maintenant très peur d’aller en Italie) même si il est porté par un sensationnalisme un peu éhonté.
Si le cœur vous en dit et qu’il est bien accroché, pourquoi manquer ce bon film qui nous invite radicalement à rester dans les limites de la loi et à ne pas faire commerce avec le premier venu.