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La réussite des films choral est souvent liée à la difficulté de passer outre le côté puzzle et d’en donner une lecture simple et limpide. Le réalisateur semble aguerri dans cet art particulier du récit sans doute hérité des séries sur lesquels il a travaillé. D’une précision chirurgicale dans sa proposition comme dans son art de la répartition, « Suburra » s’avère impressionnant. Quand en plus, l’énergie et la vitalité sombre de l’histoire semble à même de donner un souffle puissant au film, on est proche de se dire que le metteur en scène inscrit sa propre grammaire cinématographique dans le cinéma italien, et apporte une modernité indéniable dans la narration, et la mise en scène de son film.
Proche de « Gomorra » dans son sujet comme dans sa véracité, « Suburra » est tranchant et véloce comme la dure réalité qu’il tente de dépeindre d’une société mafieuse, vérolée dans son échine la plus prodonde, des arcanes du pouvoir politique comme religieux.
Chaque personnage échappe à tous les clichés qu’il aurait pu véhiculer par la forme personnel que chacun représente, éclectisme caléidoscopique d’une multitude de profils (politiques, truands, religieux, junkies…). Au contraire, les étonnements surviennent par la propension de tous à évoluer là où on ne les attendait pas, dans une construction narrative surprenante, vraiment crédible.
L’ambition de la forme est au rendez-vous de la mise en scène, et là où certains verront des effets un peu trop surlignés esthétiquement dans les compositions visuelles (pas techniques), les autres pourraient bien y trouver la marque enfin déposée d’un cinéma italien qui se tourne enfin vers la modernité, tout en respectant le classicisme des films transalpin des années 60 et 70, au même titre qu’un Paolo Sorrentino.
Le casting, majeur, imprégné et charismatique à souhait prend également le pas dans cet ensemble et la prestation de chacun conjuguée à une solide direction d’acteurs de la part de Stefano Sollima font de « Suburra » une jolie surprise de fin d’année.
Fiévreux, sombre et hypnotique, le score électro et lent du groupe M83 contribue à cette ambiance, « Suburra » délivre un constat implacable sur la société mafieuse prodotto in Italia. Forcément un peu exagéré dans certains ses travers démonstratifs, « Suburra » laisse tout de même au final la sensation d’avoir assisté à une belle et convaincante démonstration que le cinéma européen, et plus précisément italien, peut encore délivrer des thriller incroyables de tensions et de magnétisme.