Au fil des années, la saga "Halloween" est devenu un véritable foutoir scénaristique où l'on en vient à se composer sa propre chronologie des aventures de Michael Myers, choisissant d'occulter ou non certains films produits au fil des ans : avec Laurie Strode vivante, avec Laurie Strode morte... A l'exception des deux volets réalisés par Rob Zombie qui réinventait brillamment la mythologie tout en la respectant, "Halloween" a connu des hauts et des bas avec des opus sacrément en-dessous du tout premier. A priori, l'idée d'un nouvel "Halloween" décidant purement et simplement de faire table rase de tous les autres films sauf celui du Carpenter (adieu donc le lien fraternel unissant Laurie et Michael) n'est pas forcément mauvaise mais on sentant l'argument commercial à plein nez avec un nouveau retour de Jamie Lee Curtis et John Carpenter en personne qui adoube le long-métrage en en signant la musique avec ses complices Cody Carpenter et Daniel Davies. Le tout sous la houlette du producteur Jason Blum, pas toujours synonyme de bon goût mais dont on peut apprécier le sens des affaires. C'est sans compter sur David Gordon Green et son compère Danny McBride, à l'origine du projet, qui ont décidé de livrer un véritable slasher pur et dur (et classé R s'il vous plaît), parvenant sans problème à se hisser comme le second meilleur film de la saga (on ne compte pas les Rob Zombie), formant un diptyque tout à fait passionnant avec l'original de 1978.
L'idée est simple : traumatisée par cette fameuse nuit de 1978, Laurie Strode a construit sa vie autour du retour éventuel du boogeyman. Vivant seule dans une cabane isolée et sécurisée, elle est plus que jamais prête à se battre mais a perdu l'affection de sa fille au passage, celle-ci lui ayant été assez vite retirée par les services sociaux parce que bon, même en Amérique, apprendre à tirer à huit ans et se préparer au retour de Michael Myers, ça ne passe pas. Mais quand Myers s'évade au cours d'un transfert de prisonniers (oui, encore), Laurie prend les armes, décidée à protéger sa fille et sa petite-fille... Avec cet "Halloween" version 2018, David Gordon Green, visiblement biberonné au film original, décide de redonner de sa superbe à un Michael Myers plus redoutable que jamais. Oscillant entre l'hommage et la proposition nouvelle avec quelques belles idées (l'inversion proie/chasseur entre Laurie et Michael mais également ce doute autour de Michael, frappe-t-il au hasard ceux qui se trouvent sur son passage ou veut-il vraiment retrouver Laurie ?), Gordon Green parvient à trouver un bon équilibre (ce qui n'était pas gagné au début) et à offrir un film sacrément angoissant, généreux en termes de violence, respectant l'héritage commencé par Carpenter. L'influence de Big John se fait d'ailleurs ressentir jusque dans le final resserré en huis-clos dans une maison, prolongeant l'héritage de Howard Hakws, cinéaste ayant profondément marqué Carpenter. En fans du genre, on ne boudera pas notre plaisir de revoir Myers regagner de sa superbe dans un film bien angoissant et dès le générique, le film parvient à nous coller des frissons. La nouvelle partition musicale de Carpenter et de ses complices vient donner beaucoup de cachet au film. Plutôt que de recopier paresseusement son thème le plus célèbre, Carpenter en livre des variations nerveuses (le morceau "The Shape Hunts Allyson" est une merveille) et imprime sa marque sur le film tout en laissant à David Gordon Green les coudées franches pour opérer. Gordon Green, en véritable cinéaste, sait d'ailleurs tirer le meilleur de son sujet même s'il n'évite pas quelques petites maladresses scénaristiques. Cela dit, en laissant libre cours à la furie meurtrière de Michael et en concluant de façon réussie l'affrontement entre Laurie et The Shape, "Halloween" 2018 s'impose comme une franche réussite. Dont on regrettera presque le succès tant il implique des suites que l'on n'aimerait pas voir gâcher ce bel opus en forme de conclusion...