On a longtemps critiqué et on critiquera longtemps encore le producteur Darryl Zanuck, d’avoir charcuté le film de Joseph Mankiewicz en tentant de faire tenir Cléopâtre en trois heures. La nouvelle version du film, longue de 4h, et en deux parties, ne permet pas de démentir Zanuck. Au visionnage de la première partie, le sentiment d’ennuie commence très tôt, avant même la première demi heure. Le rythme de l’action semble constamment rompu par la profusion des dialogues. Ni tension, ni tragique, ne pointe à aucun moment. L’erreur ne vient-elle pas, d’ailleurs, de Mankiewicz lui-même qui jusqu’à la scène fatale pour César, nous prive encore de réalisme et d’action en nous montrant la tuerie seulement à travers la « vision » de Cléopâtre ? En outre si le sourire permanent, et le persiflage spirituel de Rex Harrison étaient parfaits dans My Fair Lady, ils étaient inappropriés, presque hors sujet, dans le rôle de César dont la grandeur et le magnétisme semblent toujours éteints. La deuxième partie concernant Antoine est tout à l’opposé de la première. Chaque minute de pellicule est précieuse. Et, ce n’est pas l’histoire d’amour réelle naissante enflammant Burton et Taylor qui fait que les scènes sont grandioses. Certes, la réalité de la vie ajoute du panache au talent qui se déploie sur le plateau. Mais, c’est surtout que le génie de l’actrice trouve enfin un acteur à sa mesure. Burton est tout à la fois flamboyant, fougueux, fragile, pitoyable, et sublime, bref, il EST Antoine, alors que Harrison JOUAIT César. Zanuck n’a certes pas été le grand créateur qu’a été Mankiewicz, mais l’analyse dépassionnée montre bien qu’il s’est montré sans doute plus visionnaire pour Cléopâtre que Mankiewicz.