Permettez-moi de commencer cette critique par une question : quelqu’un pourrait-il me dire en quelle année est apparu le talon aiguille ?....... Bon je ne vais pas attendre éternellement une quelconque réponse puisque je suis à nouveau engagé dans un monologue allocinéphilistique. Alors autant y répondre de suite, et je vais commencer par un peu d’histoire concernant ces fameux talons puisqu’on aperçoit au moins à deux reprises Elizabeth Taylor chaussée de talons aiguille. C’est bref, mais c’est visible malgré les robes longues. Les talons aiguille firent leur véritable apparition dans la vie courante dès les années 1930. En ce qui concerne le talon haut, il semble que les premières traces remontent à l’Egypte antique 3500 ans avant notre ère, de telles chaussures étant alors apparemment portées par des personnes au plus haut statut. Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos hiéroglyphes dont l’action se passe dans les années 40/30 av. J.C. . "Cléopâtre" : un projet pharaonique, une durée marathonienne, une machine à gagner des Oscars, un budget colossal resté longtemps le record absolu du film le plus onéreux de l’histoire du cinéma. Nous sommes en 1963, 44 millions de dollars ont été dépensés, ce qui correspondrait aujourd’hui (à vue de nez, compte tenu de l’inflation) à un budget de 310 millions de dollars, si ce n’est davantage. Elizabeth Taylor en récolta un rien que pour son cachet, et dut endosser pas loin de 65 costumes ayant coûté la bagatelle avoisinant les 200 000 dollars. En somme, la Fox s’est donnée les moyens de faire la lumière sur l’une des plus grandes histoires de tous les temps. A ce que l’on en sait, le scénario semble être fidèle à l’histoire
, bien qu’il a été écarté le fait que la plus célèbre des reines d’Egypte ait eu trois enfants avec Marc Antoine
. Rouben Mamoulian, le premier réalisateur, craqua sous la pression de l’ampleur de la tâche. Il fut remplacé par Joseph L. Mankiewicz qui fit un film en deux parties de trois heures chacune. Au final, la Twentieth préféra une version de quatre heures d’un seul tenant, bien que je me souvienne d’avoir vu ce film en deux parties à l’époque où la télévision le diffusait encore assez régulièrement. La réussite fut totale : 9 nominations aux Oscars 1964, 4 de remportés. Même si "Cléopâtre" semble être très théâtral, à tel point que ça peut en déranger plus d’un, on ne peut que s’émerveiller devant l’immensité des décors (non nominés) et des costumes (oscarisés). Les choses ont été vues en grand, et ça se voit. Je disais donc que pour le rôle-titre, Elizabeth Taylor a été choisie et visiblement elle s’est régalée, prenant manifestement un malin plaisir (pour ne pas dire son pied) à incarner un personnage qui a marqué l’histoire de son époque. Les historiens sont dans l’incapacité de dire si Cléopâtre était d’une beauté divine, mais il est établi que les statues édifiées à son effigie ont été idéalisées dans ce sens. Et je dois dire qu’Elizabeth Taylor est belle, très belle, si belle que j’en regrette presque de ne pas être né à son époque. Encore aurait-il fallu que je sois de son monde… En tout cas, nous spectateurs pouvons profiter de sa plastique de rêve, à des années lumière des critères à tendance anorexique de la beauté d’aujourd’hui. Que ce soit nue dans son bain, ou à peine vêtue d’un drap pour recevoir des soins de peau, ou allongée sur une sorte de sofa face à césar, ou encore pulpeusement habillée de robes à décolleté ravageur que même un Wonderbra serré à mort viendrait honteusement gâcher, elle est tout simplement magnifique et contribue à la légende laissée en héritage par Cléopâtre VII. Mais pourquoi ce petit côté ardent, érotique ? La réponse est dans le film : elle choisit ses amants. Et donc elle agit en conséquence. C’est sans doute ce qui la pousse à faire une entrée fracassante dans Rome, la scène incontestablement la plus impressionnante du film. De mon souvenir de gamin, c’est la scène qui m’avait marqué, et pour moi c’est LA scène à ne pas rater. Elle veut en mettre plein la vue,... et on en prend plein la vue ! Tout le long du film, c’est spectaculaire, les producteurs ayant dépensé sans compter. Les effets visuels ont obtenus leur statuette, ainsi que la photographie, et la direction artistique. Il va sans dire que l’ensemble du casting est très convaincant, mis à part peut-être Martin Landau dans le rôle de Rufio, que j’ai senti un peu perdu. Rex Harrisson (en course pour les Oscars) et Richard Burton sont impeccables
, bien que je ne trouve pas les crises d’épilepsie de Jules César très convaincantes
. La musique, en course elle aussi à la plus grande récompense, accompagne bien le film : elle est clinquante et est au niveau de la démesure du film, tour à tour impressionnante et plus discrète pour les moments plus intimes. Evidemment, pour faire un bon film à cette hauteur, ça passe par une bande son irréprochable et un montage maîtrisé. C’est le cas et ces deux aspects techniques ont été reconnus puisqu’ils étaient en compétition pour les Oscars, qu’ils ne remportèrent pas. Il fut donc logique que "Cléopâtre" soit lui aussi nominé en tant que meilleur film, mais il n’obtint rien. La faute à quoi ? Est-ce parce que le film balance trop entre les faits historiques et les romances ? Seul le jury de l’époque saurait nous répondre. Je rappelle cependant qu'il manque deux heures de tournage... Pour répondre à la dernière question, je crois que le réalisateur et surtout la Fox l’ont voulu ainsi, pour notre plus grand plaisir des yeux, et je respecte totalement ce choix, le sujet étant vaste au possible si on tient compte à la fois de l'actualité historique, des enjeux politiques et géopolitiques. La durée peut être rebutante, c’est vrai, mais je tiens à dire que les quatre heures passent bien. Assurément un grand film, digne des plus grandes réalisations hollywoodiennes de l'époque.