2sur5 Si les Scream sont plus films à suspense que films d'horreur, Scream 3 est plus pantalonnade que vecteur de stress. Dès le début, Craven explicite son intention d'apporter un point final à la ''légende'' Scream, formatée par les fans et l'opinion et qui venait de restaurer la mode de l'horreur à Hollywood, mais pas de la façon espérée. Le réalisateur poursuit donc sa route vers le méta-film total : le pitsch s'articule maintenant autour d'un tueur reproduisant le scénario de Stab 3, l'ultime opus adapté des événements de Woodsboro et actuellement en tournage. Craven étend sa démonstration en intégrant un film dans le film et mettant les personnages de Scream, tous devenus des héros de la scène médiatique ou culturelle hollywoodienne, face à leur double de fiction. Par ailleurs, il fait allusion, dans des échanges rapides, aux débats autour des dérives produites dans la réalité par de jeunes attardés ou déséquilibrés adeptes entre autres choses du cinéma horrifique et plus particulièrement des slashers.
A mesure que le film avance, Scream 3 apparaît comme une entreprise d'auto-sabordage ; la dernière demie-heure est jonchée d'apparitions ridicules de la part du tueur, de carnages poussifs et ratés dans tous les sens du terme. Les héroines féminines y sont transformées en scream-queens idiotes pour l'occasion : what a joke ! La farce ''(auto-)critique'' vire à l'excès et par conséquent, à la complaisance. Par exemple, le film est censé jouer de son absences de surprises ; mais à quoi bon, quel supplément d'âme pour un film prévisible pour de rire par rapport à un film prévisible sans le faire exprès ? Quelle est la valeur de ce dénigrement de l'industrie hollywoodienne, surtout si l'argument est ressassé pour justifier une démarche de copycat (parodique certes, mais copycat de toutes façons) ?
Craven intègre des éléments ou gimmicks trop ostensiblement typiques des nanars du genre, comme les hallucinations grand-guignoles, ou le happy-end suspendu parfaitement bidon ; c'est peut-être du second degré, mais quel intérêt ? A ce point de cynisme, Scream perd de son efficacité en même temps que de cette fausse candeur qui rendait le spectacle si plaisant autrefois ; trop mûrs peut-être désormais, les procédés de la franchise Scream avancent vers la déchéance.
Au-delà de toutes les considérations très théoriques et théorisantes autour de ce Scream 3, il y a une évidence aux effets un peu plus frustrants encore : Scream 3 est un spectacle excessivement ordinaire. Alors que les deux premiers offraient une séquence d'ouverture à la fois hyper-réaliste, grand-guignolesque et stylisée au possible, pas d'introduction aussi formellement marquante cette fois-ci, sinon par l'annonce d'un tournant dans la distribution. Et puis, ce Scream 3, c'est l'opus du « plus de règles », quand le tueur suivait des commandements bien précis précédemment. Tout est permis, absolument tout le monde peut être coupable ou victime, même les protagonistes capitaux comme Sidney ou la journaliste. Pourquoi alors le film est-il relativement mou, pourquoi Craven est-il si timide ; anticipait-il déjà secrètement un nouvel épilogue ?
Même s'il réserve de bons moments (dont le message post-mortem d'un personnage des premiers volets), Scream 3 souffre de la désinvolture de Craven, posture délibérée mais laissant peu de place à l'investissement et à la nouveauté. Il y a peu de séquences fortes ou mémorables, le comique est las et l'ironie sursignifiante, le scénario est sans audace : en somme, Craven s'amuse à plus ou moins répéter ce qui a déjà été éprouvé, le traduisant dans une forme plus mainstream encore. On éprouve guère plus de tension ni de frissons ; juste, parfois, un vague plaisir qui tient aux retrouvailles avec les figures connues les plus croustillantes et dont les quelques progrès sentimentaux ou physiologiques raviront les spectateurs déjà rodés. C'est à double-tranchant : tout est si gonflé à bloc que lorsque la caractérisation atteint un point-limite, le résultat est caustique et agréablement surprenant (le cynisme de Gale Weathers est si poussé que lors d'une séance ou elle s'adresse à de jeunes journalistes, Craven se découvre des aptitudes à mettre en scène une ironie toute burtonienne, ce qui est pour le moins incongru de sa part).
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