Sur une histoire dont on connaît dès le début la fin, Clint Eastwood réalise, là où Zemeckis échouait avec "Flight", un film captivant. Grâce à une structure narrative éblouissante, il construit un suspens qui interroge moins les faits que les hommes. En décortiquant le crash (vu plusieurs fois, sous plusieurs angles, de façon lacunaire ou totale, et même à travers un simulateur de vol), Eastwood fouille ses thèmes favoris : l'opposition entre l'individu et la structure (médiatique, bureaucratique, réglementaire), ou entre le résultat d'un comportement et son protocole. Tout comme le sergent Highway du "Maître de guerre", Sully, au lieu de se conformer à la lettre à la marche à suivre, s'adapte, improvise et domine la situation d'urgence. Faisant ce qu'il a à faire pour obtenir le meilleur résultat possible, il nie l'autorité au profit du savoir et de l'expérience. Dans les mauvais rêves de Sully, l'avion, perdu au milieu des buildings, se crashe contre un immeuble. Dans les magnifiques plans de reconstitution de la véritable manœuvre de Sully (culminant dans la longue scène centrale du sauvetage), l'avion glisse, évitant obstacles et populations, sous les regards ahuris. Eastwood montre sereinement (sans en rajouter dans le sonore et le spectaculaire) que si des fous ont pu envoyer des avions dans des tours, des hommes de bonne volonté, ne désirant qu'une vie tranquille, n'ont pas d'autre souhait qu'épargner des drames et du malheur à leurs semblables. Au fond, et c'est bien là le plus important, Eastwood signe (enfin) son premier film post-11 Septembre. On n'y croyait plus, mais ça valait le coup d'attendre.