Avec « Sully » Eastwood atteint les sommets d’Anthony Mann. Sécheresse absolue de la mise en scène, montage au cordeau et une utilisation optimum de chacune des 133 minutes de la réalisation. Ainsi, l’habitude de respecter budget et planning devient évidente à la vision du film.
A partir de l’histoire réelle du vol US Airways 1549 du 15 janvier 2009, Todd Komarnicki a développé un scenario dont le découpage temporel est magistralement mis en scène par le réalisateur. Ainsi du crash cauchemar et réplique d’un 11 septembre qui ne cesse de hanter tout pilote américain, comme la plupart des intellectuels, cinéastes, écrivains, dramaturges, depuis, commence la journée du miracle, sans cesse interrompue par le doute. Car, sous la pression des assurances, s’ouvre l'enquête du Conseil national de la sécurité des transports (NTSB), qui remet en cause le bien fondé de ce que la presse appela un miracle. Les esprits chagrins feront remarquer que le grand Clint est un vrai red neck, défendant l’homme seul (ici le pilote et son co-pilote) contre des administrations qui ne cherchent “qu’à faire leur job”. Aucune administration (sauf dans les dictatures) n’est aussi féroce que celles des Etats Unis. Zèle et acharnement, jusqu’à des recherches sur le privé et le médical de la personne, certaines questions posées dans le film, ne passeraient devant une commission européenne. Certes, il n’y a pas vraiment d’accusé, et il n’y aura pas de peine de prison. Sauf que Les deux pilotes seront virés, sans indemnité aucune, et que leur retraite revient à la case de départ, c’est à dire zéro, ce qui est un désastre pour le commandant de bord, si près de l’échéance, comme il l’exprime dans le film. Que tous les 155 passagers soient ramenés (avec l’aide des ferrys et des sauveteurs) indemnes de ce qui reste une catastrophe, tragique pour l’avion uniquement, compte peu dans la balance. Sans le temps de réaction de trente cinq seconds rajoutées aux deux simulations et la récupération du deuxième réacteur par les plongeurs fluviaux, il est clair que le sort des deux pilotes semblaient scellés. Cette angoisse, ce côté recherche du détail, de la petite bête, over acted pour parler comme eux, le réalisateur l’exprime jusqu’à donner le chair de poule. Alors peut-être Eastwood est-il un red neck, mais à ces critiques de comptoir je leur souhaite une fois dans leur vie d’avoir à faire à l’administration US. Tom Hanks interprète le commandant Chesley 'Sully' Sullenberger avec une mélange de force et de bonhomie, de maîtrise et désarroi, de certitude et de doute, et même s’il a été conseillé par le vrai commandant, sa performance d’acteur dans le rôle de monsieur tout le monde qui endosse le costume d’un héros, est une fois de plus remarquable. Il est accompagné par Aaron Eckart, volontairement effacé, mais à la question “que referiez vous ?”, il répond “I would have done it in July”. Le regard de Tom Hanks-Sully se perd dans un New York fantomatique, symbole de la proximité de la mort à laquelle il a escamoté 155 “souls” (âmes). Du très bon Eastwood, complexe, ascétisé, magistral et haletant. Le générique de fin apporte une dimension supplémentaire.