Toujours aussi prolifique, toujours aussi inspiré, actif, la barre des 80 ans passée, la légende hollywoodienne, devant comme derrière la caméra, Clint Eastwood, revient sur les évènements du 15 janvier 2009, qui voyaient un vol de US Airways en partance de La Guardia, New-York, à destination de Charlotte, finir sa course dans les eaux de l’Hudson. L’Histoire d’un amerrissage qui n’aura fait aucune victime, l’histoire, surtout, d’un héros américain tel que les apprécient le réalisateur. Sully, donc, c’est l’extraordinaire prouesse d’un commandant de bord, se retrouvant finalement à défendre son choix, celui qui aura permis d’épargner 155 âmes, devant une commission d’enquête déléguée par le département fédéral de l’aviation, c’est l’histoire d’un professionnel ayant œuvré, agi et pensé rationnellement et qui aura sauvé ses passagers et son équipage d’un crash en plein New-York, alors que bien sûr, les plaies d’un certain 11 septembre n’ont jamais été refermées.
Clint Eastwood, s’il livre ici un film précis, documenté, parfaitement découpé en séquences du passé et du présent, l’évènement et ses conséquences, s’intéresse bien sûr à l’aspect humain, l’aspect purement new-yorkais de son film. Adaptant les écrits du commandant Sullenberger lui-même, en rapport à ce 15 janvier 2009, le cinéaste, en une petite heure et demie, parvient à réaliser l’exploit de nous faire l’offrande d’un film à la fois important sur le plan social, rendant un hommage vibrant à la population de la Grosse Pomme pour sa capacité à secourir, et un film d’une précision technique imparable. De la rencontre malheureuse avec les volatiles à l’amerrissage sur l’Hudson, en passant par la procédure, le sang-froid du commandant et de son copilote, de l’équipage, Eastwood dissèque littéralement l’évènement. Cette manière d’appréhender le nœud du problème, par le biais de la propre vision du pilote, de celle de son équipage et de quelques-uns des passages, est en parfaite résonnance avec les évènements du présent, des séances de commission d’enquête jusqu’aux doutes d’un individu devenu le héros du moment.
La commandant Sullenberger, s’il est parvenu à sauver tout le monde à bord de son vol dépourvu de la poussée de ses deux réacteurs, a-t-il pour autant fait le meilleur choix possible? Alors que Washington et les compagnies d’assurance en doute, Clint Eastwood, toujours du point de vue de son personnage principal, répondra à cette question. Sully, de par sa durée relativement concise, de par sa remarquable chronologie des évènements, sa parfaite maîtrise des aspects techniques, humains, se veut un film réellement passionnant, de bout-en-bout, fait rare dans l’industrie cinématographique contemporaine. Pour ne rien gâcher, on soulignera ici la performance de toute beauté d’un Tom Hanks habité, serein et d’une humanité qui transparaît dans tous les plans.
A ceux qui pensaient, après les doutes induits par un American Sniper redondant et un Au-delà décevant, notamment, que Clint Eastwood déclinait, les mauvaises langues, le réalisateur prouve ici qu’il est encore capable de grande chose, et ce même si ces grandes choses partent initialement de petites choses. Pour conclure, notons que Sully profite d’excellents effets visuels, on pense à la descente de l’appareil au sein même de la ville tentaculaire de New-York. Si l’amerrissage en lui-même n’est pas très convaincant, on imaginait mal comment il pouvait en être autrement, le film est beau, très beau même. Décidément, Clint Eastwood nous livre, une fois encore, ou tout bon moment de cinéma. 16/20