On est d'accord. Ce petit film abracadabrantesque, improbable et bancale, n'est pas d'une grande réussite. Néanmoins, une sacré curiosité de genre, qui nous offre quelques petits moments bien jouissif, dans le morose PAF des années 80, relativement monolithique. Et en comparaison, pour vous séduire, Kamikaze ne manque finalement pas d'atout. Pour peu, bien sur, que vous soyez attiré ou nostalgique, d'une certaine esthétique de cette décennie lointaine.
Les quelques savoureuses pointures, recyclé du casting de Subway ou d'ailleurs. La chouette direction artistique de l’ensemble. La mise en scène très généreuse et joliment éclairé. Tout cela vous montre franchement, où est passé le budget, de cette série B à la française. Mais pour vous charmer, il y a aussi la musique typique, du jeune Eric Serra des productions Besson. Ainsi que son caméo rigolo sur un balcon, en traditionnel t-shirt sans manche, avec sa basse Steinberger. Le ton modérément non politiquement correct, et vaguement anar' sur les bords. La présence attendrissante, d'une adorable et toute jeune Romane Bohringer, qui s'en sort plutôt pas mal.
La géniale prestation en roue libre de son père, égal à lui-même, qui nous sort le grand jeu, du gentil papa et détective stoïque, éclairé et désabusé, pour sauver du naufrage cette histoire navrante, qui n'a ni queue ni tête. Une prestation a mettre directement en parallèle, avec celle d'un Galabru inédit et hypnotisant, incroyablement forcé et décalé, lui aussi un peu perdu en roue libre, et qui cabotine exagérément à tâtons. Un parallèle narratif totalement intentionnel, sur lequel s'articule l’ensemble du récit. Une opposition comparative entre deux personnages, sensé être les deux faces d'une même pièce démonstrative. Subissant tous deux, d'injustes affronts similaires, dans un cadre social professionnel et privé semblable. Mais l'un craque sous la pression de l'absurde et de l'injustice. Tandis que l'autre non. Là où le policier reste humain, en se reposant sur l'amour de sa fille, le scientifique fou, lui, tue l'image de la sienne, en assassinant froidement sa nièce par alliance. Un Galabru habité par l'étrange et l'ignoble, hors de toute proportion logique. Une inoubliable partition haute en couleur, d'un anti héros sympathique qui a mal tourné, et sombre dans la folie, face à l'ingratitude d'un système sociétal brutal et inhumain. Un maniaque psychotique et charismatique, misanthrope fou génial, touché par un complexe de supériorité à moitié justifié, et méchant comme une Tatie Danielle sous crack.
La superbe esthétique du "cinéma du look ", caractéristique aux années 80, d'un certain genre de nouveau cinéma français. Et cette délirante, mais si charmante histoire scientifico-fantasmagorico-politico-sociale, qui n'a pourtant aucun sens ni crédibilité. Et qui collecte joyeusement sans complexe, une panoplie de poncif et de cliché désuet. Mais sous une forme tellement coloré et pop. Le tout, dans un désordre certain. Mais une réjouissante coolitude d'antan.
Bref, un nanard, certes. Mais d'abord, un petit nanard. Et ensuite, loin de toute fadeur consensuelle, un joli nanard qui n'hésite pas à tacher un peu la moquette. Gentiment déjanté et sociopathe. Et très souvent fascinant. Un film contenant malgré tout, de la fraicheur et de bonne idées. Mais malheureusement mal employé. De délicieux dialogues kitch "d'autrefois", qui ne sonnent pas toujours justes, et sont souvent joué par de farfelue second rôles un peu amateurs. Mais surtout, de bien belles images, des cadrages au cordeau, et des mouvements de caméra léché, qui tape dans l’œil presque à chaque fois. Même s'il faut bien admettre, qu'à défaut d'être vraiment signifiante, la mise en scène de l'ensemble, est plutôt belle pour être belle. Et finalement, ce n'est déjà pas si mal. Surtout pour une production d'un tout jeune Luc Besson, qui n'avait que deux long métrages à son actif... Et par dessus tout, réalisé par un gars qui, de nos jours, gagne sa croute derrière les caméras de Plus Belle La Vie... Et je terminerais, par une citation entendu sur France Inter, à propos de Anna, le(peut-être tout)dernier film de Luc Besson : " C'est nul. Mais on s'amuse bien ".