Ce film est appréciable sous ses divers aspects : tout à la fois l'intrigue, la mise en scène, la photographie et ce que l'on pourrait appeler l' impact suggestif.
Cet impact, placé comme en arrière-plan, présente une opposition, ou à tout le moins une distinction, entre la "débilité débonnaire et affective" de Josef et la débilité (faiblesse, fragilité, selon l'étymologie) de la plupart de ceux qui l'entourent (sans posséder le qualificatif de "débonnaire", ni laisser transparaître une "affectivité" élémentaire dans leurs jugements ou leurs comportements).
En somme, sont confrontées ici, d'une part à une débilité "extra-ordinaire", pourrait-on dire(celle de Josef), et d'autre part à la débilité "ordinaire", sous des formes variées, qui affecte la majorité de ces villageois prisonniers de leurs fantasmes, aliénés par la réduction du champ de conscience psychologique et morale qui les pousse à accuser sans preuves, à instrumentaliser le faible, le stigmatisé, le marginal, ou encore à ridiculiser ses élans affectueux les plus nobles, notamment l'expression de son amour à Manon.
Et ce qui fait la beauté de ce film, c'est d'avoir, sans que cela soit ostentatoire, mis en exergue la particularité de ces blessés de la vie que sont les handicapés du type de Josef, dont la déficience intellectuelle s'accompagne d'une hypertrophie de la dimension affective. Et quand cet amour, donné avec une vive puissance, vient à être déçu, contrarié et comme trahi, Josef perd pied et sa trajectoire de vie chemine alors inéluctablement vers le drame.