De Palma, Woo, Abrams, Bird et McQuarrie : en vingt ans de temps, le producteur Tom Cruise aura su s’appuyer sur les cinéastes du moment pour faire évoluer sa saga « Mission : Impossible » selon l’air du temps. Et c’est vrai qu’il faut bien l’avouer : chaque épisode a sa patte, son identité, même si qualité n’a pas toujours été selon moi au rendez-vous. Mais là : changement. Pour ce sixième opus intitulé « Fallout » (bah oui, passé les trois premiers volets, on évite de numéroter, sinon ça fait trop nanar) et pour la première fois : Tom Cruise reconduit un réalisateur aux commandes de sa franchise. Comme quoi, Christopher McQuarrie, réalisateur du « Rogue Nation », devient décidemment un habitué de l’équipe Cruise puisqu’ils collaboraient déjà ensemble en 2012 pour « Jack Reacher » (réalisation) et en 2014 pour « Edge of Tomorrow » (scénario). Alors ça peut se comprendre, parce qu’en termes de scénario comme de réalisation, le Christopher McQuarrie s’en sort quand même plutôt avec les honneurs. « Rogue Nation » était déjà un opus efficace à défaut d’être original, et en le faisant rempiler, Tom Cruise s’assurait presque un niveau de qualité équivalent… Et c’est ce qu’il a eu – et nous aussi au passage – c’est-à-dire un « Fallout » assez proche de son prédécesseur, ce qui est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force, parce que la réalisation de McQuarrie a le mérite de renouer avec les standards de qualité formelle des films d’actions des années 1980 et 1990. J’entends par là qu’il y a un désir de privilégier la réalité physique des choses aux CGI, la dynamique très codifiée des plans et mouvements de caméra à l’ancienne, et surtout cette idée de respecter un rythme et une respiration particulière à l’époque, c’est-à-dire plus aérée et moins frénétique. Sur cet aspect là, le film fait (encore) quasiment un sans-faute. Chaque scène d’action est une démonstration de maitrise qui a su me faire monter dans les tours. Il y a un véritable travail d’orfèvre dans la composition des plans et le sound design. Chaque image est pensée pour être dynamique mais lisible. Il y a notamment un remarquable travail dans la gestion de mouvements de cadres, toujours pensés pour donner de la dimension ou de la vitesse à l’image : travellings qui ne suivent pas l’axe de la course (l’introduction du Cachemire : somptueuse illustration de cette technique et de ce qu’elle apporte), défilement d’éléments visuels en premier plan qui permettent d’accentuer l’effet de vitesse (voitures, barrières, etc…), beaucoup de travellings circulaires à l’hélico pour ancrer le personnage dans son espace (plan magnifique à Londres quand l’ennemi s’enfuit en hélico), rythmique des coups travaillée et surappuyée par le sound design, effacement de la musique face aux rugissements de moteurs lors des courses poursuites… La liste est longue et traduit le très haut niveau de savoir-faire de l’ami McQuarrie. Seulement voilà, au-delà des moments de haute volée, on retrouve aussi les insuffisances déjà présentes dans « Rogue Nation ». Comme son prédécesseur, « Fallout » manque cruellement d’enjeu. Dans une logique de saga très à la mode en ce moment, on reprend comme opposant ce fameux « syndicat » dont les motivations politiques sont assez faméliques, pour ne pas dire ridicules d’infantilisme. On nous ressort le danger des bombes nucléaires qui pourraient péter partout où ça pourrait faire plein de morts #CestPasTrèsSympa. Pour créer des respirations entre les scènes d’action, le film nous ressort aussi les mêmes ficelles à base de révélations, surprises, coups montés, agents double, trahison, sauveur sorti de nulle part, tensions amoureuses… Rien de surprenant parmi des personnages bien fades, ce qui semble désormais malheureusement inévitable. « Mission : Impossible » est une saga pensée pour être exportée le plus largement possible, alors il ne faut choquer personne. Pas trop de politique, pas d’ennemis désignés, pas trop de sang, de sexe ou de valeurs qui pourraient paraitre borderline dans certains pays. Du coup, oui, « Fallout » est bien le digne héritier de « Rogue Nation ». Pire, je pense qu’on pourrait dire que d’une certaine manière, ç’en est une sorte de clone. Est-ce problématique ? Bah oui et non, et ça m’emmerde presque de ne pas devoir répondre par un non catégorique. Qu’un film soit un presque un copier-coller du précédent, ça devrait être un problème. Ça devrait me gonfler. Et le pire, c’est que ça m’a gonflé ! Je n’en avais vraiment rien à carrer de l’histoire. Chaque retournement de situation m’en touchait l’une sans toucher l’autre. Et j’ai bien dû passer la moitié du temps à noter le dernier lifting de Tom Cruise sur l’échelle de Stallone plutôt que d’écouter ce qui se racontait… (Et pour info : je lui ai mis 9/12, soit une place intermédiaire entre Donnie Yen et Shah Rukh Khan). Donc voilà, en fait ça ne m’a pas tant convaincu que ça ce film. Seulement il faut bien être lucide aussi : au regard de tout ce qui se fait en ce moment en termes de block busters, je me dois quand-même de reconnaître qu’une réalisation chiadée à ce niveau-là, c’est une sacrée bouffée d’air frais. Du coup, que voulez-vous que je vous dise… C’est la triste réalité d’aujourd’hui, ma p’tite dame. Parfois il faut savoir faire avec ce qu’on a. Parce qu’après tout, mieux vaut un bon McQuarrie que deux tu l’auras… Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)