Distribué en 1943 par la compagnie de distribution et production Allemande "la Continental Films", "Le Corbeau" est aujourd'hui célèbre pour sa qualité cinématographie mais aussi pour avoir été perçu par la résistance Française et la presse de (extrême) gauche comme immorale et un portrait néfaste de la France. Mais elle n'avait pas non plus été apprécié par le régime de Vichy où finalement on est loin des valeurs travail, famille, patrie chères à Pétain (il a aussi été attaqué par l'église, entre autre !). Tout ces éléments ont fait en sorte que Clouzot soit bannie, tout comme son film jusqu'en 1947. Et cette double réputation peut parfois faire penser à "M Le Maudit" de Fritz Lang, sorti en Allemagne en 1932, en pleine montée du nazisme et faisant ici aussi un portrait social assez sombre. Passer ces faits, il ne faut donc pas oublier que "Le Corbeau" est aussi et même surtout célèbre pour ses qualités cinématographique. Clouzot nous fait suivre les péripéties se déroulant dans la ville de Saint-Robin, où un mystérieux corbeau envoie des lettres calomnieuses aux habitants. Clouzot réussit à instaurer une vraie atmosphère de plus en plus angoissante, malsaine et paranoïaque au fur et à mesure que le récit avance. L'idée de base, inspiré d'un fait réel datant de 1923, est intéréssante et le scénario tiré est brillant, bien ficelé, intelligent et efficace.
Il maintient le suspense de bout en bout. En toute intelligence et subtilité, il étudie aussi la vie dans cette communauté de la France rurale où dès que les lettres du corbeaux arrivent l'atmosphère devient sournoise, sordide ou encore étouffant, à l'image de la galerie de personnages qu'il met en scène que ce soit les rôles important ou ceux un peu moins. Le personnage principal, merveilleusement interprété par Pierre Fresnay, est intéréssant et attachant, d'apparence seul contre tous, incapable de révéler son passé douloureux et fâché avec la vie. Presque tout le monde en prend pour son grade, qu'importe les classes sociales, religion ou autres et peu de gens sortent indemne dans cette œuvre sombre où la limite entre le bien et le mal est toujours flou. La mise en scène de Clouzot est remarquable et inventive, tout comme sa réalisation où le jeu d'ombres et de lumières rappelle parfois les belles heures de l'expressionnisme Allemand, et globalement sa maitrise technique est superbe. Outre le génial Pierre Fresnay qui montre une fois de plus tout son talent, les autres interprétations sont excellente, à l'image de Ginette Leclerc et Pierre Larquey. Un brillant chef d'oeuvre, sombre, dérangeant, mouvementé, humain, intelligent... Grandiose.