Dans une petite ville lambda, un mystérieux "corbeau" envoie des dizaines de lettres anonymes. Mêlant mensonges grossiers et révélations fracassantes, elles visent en particulier le docteur Germain, l'accusant de procéder à des avortements clandestins. La frénésie va bien vite s'emparer de la ville...
"Le Corbeau" est une remarquable peinture au vitriol de la population française, et en particulier des notables ! Corps médical, clergé, élus, fonctionnaires, commerçants : tout le monde en prend pour son grade.
Le film est sombre, incisif, et très intelligemment écrit de A à Z. Jusque dans ses dialogues qui ne manquent pas de mordant, allant du second degré à l'humour noir. Et son enquête qui tient en haleine, avec un dernier quart très riche en rebondissements, incroyablement moderne.
Henri-Georges Clouzot peut en outre s'appuyer sur de truculents personnages, qui vont vite contribuer à faire s'envenimer les choses. Pierre Fresnay en médecin sec, entravé par un passé trouble. Ginette Leclerc en croqueuse d'hommes malsaine. Ou Pierre Larquey en psychiatre amusé, pour ne citer que les principaux.
Le réalisateur se montre accessoirement inspiré. Jouant régulièrement avec les ombres, les regards accusateurs des habitants, ou les mouvements de ses personnages.
"Le Corbeau" est une vrai réussite du cinéma français, qui malheureusement coûtera cher à Clouzot. En effet, entre son label (production Continental, compagnie financée par les Allemands), son portrait peu glorieux de la population, et l'utilisation de délation, procédé fréquemment utilisé sous l'Occupation, les communistes y virent un film de propagande nazi. A la libération, Clouzot sera mis au ban et le film interdit ; il faudra quelques années pour que les choses se tassent...