Après la vague gore (Eli Roth, Rob Zombie, Alexandre Bustillo, Pascal Laugier, Xavier Gens,...) suivie de celle du "found footage" (Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, Jaume Balaguero, Oren Peli, André Ovredal,...) , le film de genre horrifique tente ces derniers temps avec un réel bonheur de sortir des sentiers battus et autres recettes éprouvés en se rappelant le précepte édicté par Jacques Tourneur et Alfred Hitchcock qui veut que l'on n'ait jamais autant peur que de ce que l'on ne connait pas et ne voit pas. Comme s'ils s'étaient donné le mot, une pléiade de jeunes metteurs en scènes de tous horizons se sont mis à revisiter toutes les branches du film d'horreur et d'épouvante à cette aune. Ce sont de véritables petites pépites voire même certains chefs d'œuvres qui ont vu le jour ces dix dernières années. Citons pêle-mêle "Morse" de Tomas Alfredson (2008), "The broken" de Sean Ellis (2008), "Leftbank" de Peter Van Hees (2010), "It follows" de David Robert Mitchell (2014), "The witch" de Robert Eggers (2015) , "The strangers" de Na Hong Jin (2015), "Dans le noir" de David F. Standberg (2016), "10 Cloverfeld Lane" de Dan Trachtenberg (2016), "Get out" de Jordan Peele (2017) ou encore les sagas "Insidious" et "Conjuring" initiées par James Wan. " It comes at night" du jeune réalisateur de 28 ans, Trey Edwards Shults, s'inscrit indubitablement dans cette veine plutôt minimaliste. C'est le film post-apocalyptique qui bénéficie ici d'un toilettage visant à une sorte d'épure dont on peut se demander si elle est vraiment efficace. L'entreprise est louable et ne manque pas de qualités mais l'ensemble ne parvient pas à s'élever au niveau atteint par les films cités plus haut. Vouloir en dire et en montrer le moins possible au spectateur semble ici érigé en principe plutôt qu'en moyen. "Le triomphe de la mort" de Bruegel l'ancien (1652) exposé en incipit nous laisse certes à penser qu'une catastrophe s'est abattue sur une partie ou la totalité de la Terre mais Shults qui a rédigé lui-même le scénario se débarrasse très vite du contexte extérieur pour se concentrer sur la claustration d'une famille dans l'enceinte de sa maison isolée dans les bois. La complexité et l'urgence de la situation sont immédiatement posées alors que l
e grand-père visiblement atteint d'un virus mortel est transporté à l'extérieur, tué d'une balle en plein cœur et brûlé par son gendre (Joel Edgerton) sous les yeux de sa femme (Carmen Egojo) et de son fils (Kelvin Harrison Jr.)
. La famille recluse semble s'être organisée pour tenir un siège sans savoir exactement contre quoi et contre qui elle doit se protéger. L'absence de contexte utilisée comme argument principal pour créer l'angoisse à partir du principe d'immersion du spectateur ne remplit malheureusement pas son office, laissant béantes certaines invraisemblances qui ne seront jamais comblées. Difficile de croire en effet que jamais les protagonistes de cette terrible histoire n'évoquent à aucun moment leur situation et leur avenir. Malgré le danger qui rôde, les préoccupations du quotidien semblent un peu trop vite reprendre le dessus notamment quand suite à l'arrivée d'un intrus (Christopher Abbott) et de sa famille, une micro-communauté se met gentiment en place. Shults prend alors un chemin de traverse un peu anachronique, centrant la narration sur les relations entre les personnages et les fantasmes sexuels naissants du jeune Travis (Kelvin Harrison Jr.) à l'égard de Kim (Riley Keough), la nouvelle arrivante. Le parti pris mal maitrisé du réalisateur finit par se retourner contre son initiateur dont le twist final ne trouve aucune justification. Vouloir créer l'angoisse en plongeant le spectateur dans une situation cauchemardesque faisant appel à la résurgence des instincts primaires enfouis en chacun de nous est certes un exercice séduisant mais il réclame une mise en tension permanente que n'a pas su tenir Trey Edwards Shults au contraire de David F. Standberg dans le très flippant "Dans le noir" (2016). Quant à Joel Edgerton vouloir le comparer dans ce film au Kurt Russell de "The thing" (John Carpenter en 1981) semble un peu osé, même si le port de la barbe et une certaine ressemblance physique ont incité certains à le faire. Il faudra à l'avenir que Trey Edwards Shults mette en accord sa mise en scène avec ses ambitions pour tenir les promesses montrées dans ce deuxième long métrage.