Sans qu'on ne sache trop comment, un virus incurable s'est répandu dans le monde.
Un père, sa femme et son fils vivent reclus dans une maison en forêt et gouvernés par la peur de la possible introduction de ce mal mystérieux au sein de leur foyer.
Imprégnés jusque dans leur inconscient par cette méfiance oppressante de la contamination (le fils a sans cesse des visions cauchemardesques de ce que pourrait être son sort), ce noyau familial s'est de plus lui-même "infecté" par les règles qu'il a mis en place pour sa propre survie, des mesures drastiques qui gardent chacun de ses membres aussi bien soudés entre eux qu'isolés dans leur propre paranoïa, d'autant plus que leurs craintes se sont vues exacerbées suite à un drame récent.
Bien évidemment, la première ligne de conduite à tenir est d'éviter tout contact avec qui que ce soit venu du monde extérieur et, qui plus est, ayant la volonté de s'introduire dans la maison par sa porte principale rouge.
Aussi, à l'arrivée d'une autre famille dans leur environnement en vase clos et passés les premiers instants violents mais nécessaires de leur rencontre, le cocon familial au coeur du film rompt, non avec pas leur mode de vie préventif de toute infection, mais avec leur état d'esprit collectif : on les sent tout simplement revivre et non juste survivre, comme si ce contact avec l'autre était une forme salvatrice et nécessaire pour simplement continuer, espérer dans un monde qui n'a plus d'autres opportunités à offrir.
Seulement, le film va très rapidement nous rappeler que l'humain peut s'avérer aussi dangereux que le pire des virus meurtriers. Le désir, la convoitise, l'envie, la dissimulation, ces "infections" qui sommeillent en chacun de nous, feront peu à peu leurs apparitions comme des craquelures inévitables à ces débuts d'espérances retrouvées qui menacent de voler en éclats à tout moment. Ces émotions vampirisantes de l'âme humaine et de facto de cet environnement seront bientôt prises de court par un évènement bien plus dangereux dont on taira la nature mais qui amènera tous les membres de ce microcosme dans leurs derniers retranchements...
Amateurs de jumpscares, de gore ou de frayeurs faciles, passez votre chemin ! "It Comes at Night" nous cloue à notre fauteuil non pas par des effets usés jusqu'à la corde mais bel et bien par sa seule ambiance étouffante nous plaçant dans l'intimité émotionnelle de ses protagonistes face à un danger dont eux et nous-mêmes ne peuvent deviner la forme qu'il prendra. Cette espèce d'angoisse constante et intériorisée fonctionne à plein régime sur le spectateur qui ne sait plus où donner de la tête à scruter l'écran ou à savoir quoi ressentir lorsqu'une menace aussi bien intérieure qu'extérieure se fait justement plus menaçante que tout ce que notre imagination a pu jusqu'alors envisager.
Véritable plongée dans les tréfonds d'âmes humaines qui ne demandent qu'à nouveau vivre tout en conservant le fatalisme qu'elle seront prêtes à commettre l'innommable pour survivre, "It Comes at Night" s'impose surtout par le traitement intimiste réussi d'une thématique archi-rabattue du cinéma de genre (le film dit "de contamination" en l'occurrence) pour renvoyer métaphoriquement aux heures sombres que traversent actuellement les USA sans pour autant la renouveler sur le fond -elle n'est ici finalement qu'une menace ultime aux états d'âmes personnages, ne vous attendez donc pas à "un renouveau de genre" ou ces autres âneries qu'on vous sort à la moindre sortie d'un film indépendant de ce type mais juste à un long-métrage dont la paranoïa perpétuelle sait vous prendre par les tripes pour les amener dans leurs derniers retranchements, notamment lors d'une demi-heure atteignant des sommets d'anxiogènéité (oui, le mot n'existe pas mais il mériterait d'être inventé rien que pour celle-ci). Traitement auquel s'ajoutent une réalisation faussement épurée en parfaite adéquation, dont chaque plan semble partir d'un cadrage minimaliste pour mieux s'élargir (ou se resserrer) en fonction du ressenti momentané d'un personnage (pour résumer, c'est sublime), une bande originale signée Brian McOmber qui épouse à la perfection chaque montée en puissance du long-métrage et une interprétation au diapason (Joel Edgerton, une évidence, mais le jeune Kelvin Harrison Jr est réellement impressionnant).
Si ce deuxième film de Trey Edward Shults ne s'imposera peut-être pas comme une révolution du genre à long terme, il n'en restera pas moins comme un de ses plus solides représentants de ces dernières années, surtout pour ceux qui y recherchent une forme d'épouvante analytique de l'âme humaine, aussi impactante qu'intelligente.