Olivier Assayas fait partie de ces cinéastes que je m’obstine à considérer avec méfiance : “Auteur�, dans le sens le plus négatif que je parvienne à accoler à ce concept, il y a surtout que ni les pitchs de ses films ni les critiques lues à leur sujet, même les plus positives, ne m’ont jamais tenté le moins du monde. J’ai le même rapport compliqué avec des gens comme André Techiné ou Arnaud Desplechin, dont ma connaissance de la filmographie demeure minimale sans que je parvienne à rassembler la motivation nécessaire pour faire évoluer la situation. Avec Techiné, j’ai surmonté mon blocage pour la reconstitution d’une vieille affaire criminelle, Desplechin, pour un film à l’atmosphère américaine. Pour Assayas, ce sera grâce à cette incursion dans le Film de Genre, où une jeune américaine à Paris, pourvue d’une sensibilité aux phénomènes paranormaux, guette un signe de son défunt frère. On éprouve vite un relatif intérêt à suivre cette quête de manifestations spectrales, entrecoupée du quotidien de Maureen, qu’on jugera magique ou abêtissant suivant les sensibilités, d’autant plus que ‘Personal shopper’ déploie une science de l’image sans commune mesure avec le commun des films d’épouvante. Ensuite, le récit vire en direction du Thriller, sans lever toute ambiguïté sur la nature surnaturelle des événements, lorsque Maureen commence à recevoir des messages de la part d’un mystérieux harceleur. A trop vouloir passer du coq à l’âne, ‘Personal shopper’ en devient assez inégal, parfois passionnant, parfois complètement bancal. Pour des questions de rythme, de dialogues, de choix de mise en scène et d’écriture, on comprend assez vite que Film fantastique ou pas, on a bien affaire au film d’un “Grand Auteur� et pas à un quelconque salarié de chez Blumhouse, qui ne recherche donc pas l’efficacité mais une certaine forme de vérité : les codes du Genre sont maîtrisés, parfois même intelligemment ré-interprétés...mais on sent tout de même bien que ce n’est pas ce qui préoccupe Assayas en priorité. On pourrait s’attarder sur la profession de “Personal shopper� de Maureen, petite main qui vit dans l’ombre d’une célébrité afin de veiller aux achats, prêts et locations de ses vêtements, parures et bijoux, dont l’auteur offre une vision déshumanisante, entre fascination et sens du grotesque bien compris. On pourrait aussi estimer que en tant que créateur de films, il se projette lui-même dans le rôle du médium, intermédiaire capable d’ouvrir une perspective vers un nouvel univers : pour ma part, j’ai toujours trouvé que le fait d’entendre des cinéastes parler de leur caste et de leur art à la faveur d’un film-prétexte rencontrait assez rapidement ses limites (sans parler des miennes). Il y a surtout que Assayas est très clairement fasciné par son actrice, qu’il avait déjà dirigé dans ‘Sils Maria’ (pas vu) : ‘Personal shopper’, film d’auteur déguisé en film de genre, donc acceptable pour les uns et les autres, constitue un écrin idéal pour permettre à la jeune femme de creuser sa carrière européenne. Reste que si Kristen Stewart est bien meilleure actrice que ce qu’auraient pu laisser présager ses débuts dans ‘Twilight’, elle ne l’est sans doute pas autant que ce que tout le monde prétend un peu partout.