Je suis assez partagé. L'interprétation de Natalie Portman est impeccable (je dirais presque un peu trop d'ailleurs). Le risque du film était de tomber dans l'hagiographie, comme ce fut récemment le cas de la biographie de Grace Kelly qui était ridicule tant on faisant une sainte de la princesse Grace. Ici, pour le coup, rien de tel, puisqu'in nous montre un portrait de Jackie très ambivalent : on éprouve des sentiments mêlés d'admiration pour son courage, de compassion pour la violence du drame qu'elle a éprouvé, et d'agacement envers la vacuité voir la vanité de sa préparation des obsèques de son mari qu'elle veut être grandioses. Bob Kennedy lui lâche d'ailleurs à un moment : "tu es ridicule !", avant de s'excuser.
Ce qui est sûr c'est que Natalie Portman réussit une vraie performance d'actrice : lorsqu'elle fait visiter la Maison Blanche à l'occasion d'un reportage télévisé, elle parle avec application et distinction, comme une écolière de la bonne société new-yorkaise, détachant distinctement chaque syllabe. Et en privé, elle ne s'exprime pas du tout de la même manière, d'une façon beaucoup plus naturelle. Deux faces de Jackie : la première dame, femme publique et la femme privée, épouse délaissée d'un mari que l'on sent distant. Il paraît que c'est conforme à la réalité, qu'elle s'est inspiré des films d'archive. Soit.
Il en ressort une Jackie ni sympathique, ni antipathique, qui laisse au final presque indifférent. Ce film est assez glaçant, comme l'intérieur grandiose et peu intimiste de la Maison Blanche, hanté par les fantômes des illustres prédécesseurs de Kennedy, telle la chambre de Lincoln laissée intacte.
Kennedy assassiné au bout de seulement deux ans de mandat, sans avoir vraiment rien accompli, comme s'en désole s'en frère Bob, à part avoir lancé la désastreuse invasion de Cuba se soldant par l'échec de la Baie des Cochons. Et avant que le programme spatial Appolo qu'il a lancé ne permette aux américains de mettre le pied sur la lune en 1969 (si Kennedy avait été réélu pour un second mandat, il aurait vécu ce moment en étant en poste). On sent beaucoup de frustration chez Bob et Jackie Kennedy : tant d'efforts pour en arriver là... tous ces espoirs et ces rêves d'accomplissement réduits à néant. Que reste-t-il de JFK à part son assassinat dramatique et spectaculaire qui reste dans toutes les mémoires et génère tous les fantasmes complotistes ? Un aéroport à New-York. Quelques phrases mythiques ressassées à l'envi : "Ich bin ein Berliner" devant le mur de Berlin en 1961, ou bien "ne vous demandez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais de mandez-vous d'abord ce que vous pouvez faire pour elle". Et son idylle avec l'incandescente Marylin Monroe lui chantant "happy birthday mister President" dans une robe moulante outrageusement provocante cousue à même sa peau. Et peut-être une certaine image de l'Amérique, aux antipodes de celle de Trump : jeune, ambitieuse, pleine d'espoir en l'avenir et certaine de conquérir le monde davantage par son pouvoir de séduction que par le fracas des armes (avec en bémol l'intervention à Cuba et le début de la guerre du Vietnam...), et foncièrement antiraciste (il a soutenu la lutte des noirs américains pour l'égalité des droits civiques
Ce film est un peu le bûcher des vanités. Vanités sui débouchent sur le vide et le néant. Sur l'ensemble, le film dégage un relatif ennui : on peut espérer que cet ennui soit voulu pour suggérer la vacuité des ambitions perdues. Mais on peut aussi en douter...