Il ne s'agit pas d'un biopic sur l'épouse de John Kennedy, mais bien d'un film sur la mort. Que faire après la mort de l'être aimé, surtout lorsqu'il ne vous a pas été fidèle, surtout lorsque publiquement on sait qu'une superbe star de cinéma a voulu (et sans doute a réussi) se suicider pour lui, que faire lorsqu'on a perdu la partie ? Immédiatement, Jackie a su quoi faire : construire le mythe pour surmonter sa douleur. Garder sur elle le sang de son mari pour le reprendre dans son amour. Bâtir une mémoire de dignité, d'adoration, de grandeur, de majesté, créer un culte en l'honneur de Kennedy pour reconstruire le coupe Jacqueline-John, ou plutôt Jack et Jackie. Jackie s'identifie à son époux décédé, devient une part de lui-même et ainsi revit.
Son action est immédiate, sans affect, efficace. C'est ce que montre le film avec rigueur. Elle bouscule l'appareil d'état, le gouvernement de Johnson, la sécurité et obtient le plus bel enterrement, la plus belle inhumation, la plus belle place dans le cimetière militaire. Il mérite tout cela, c'est mon devoir de lui survivre et de le faire survivre.
Portman par un travail acharné se hisse avec une humilité qui n'a pas toujours été la sienne au niveau de la tâche. Larrain ne s'éloigne jamais de son projet limité aux jours suivants l'assassinat, construisant l'identification de Portman à Jackie comme celle-ci construit l'identification à son mari, par séquences virtuoses, ne se laissant jamais aller à la psychologie ou à l’hagiographie.
Ce film aurait pu s'appeler "Le Deuil", "Une Femme", "Après l'assassinat". Comme toujours, ce ne sont pas les qualités des ingrédients qui font la grande oeuvre d'art, c'est la rigueur et la noblesse du projet.