Le chilien Pablo Larrain, pour une première en langue anglaise, met en scène le deuil de Jackie Kennedy. Dallas, 22 novembre 1963, le président Kennedy est abattu. Tout le monde connaît l’histoire. Mais quelle fût l’influence de cette perte brutale pour la première dame? Dans l’intimité de la veuve, le cinéaste cherche à déterrer le sentimentalisme, les doutes, le remord absurde, la fierté qui hantent l’esprit de cette femme forcée à elle toute seule d’affronter le pire. Bien loin du simple biopic, sans académisme, Jackie se veut un pendant du genre en mode cinéma d’auteur, contemplatif, l’évaluation approfondie mais subjective du psyhcé d’une personnalité marquée par l’histoire et ayant marqué l’histoire, bien malgré elle.
Lancinant, lent, le film, techniquement irréprochable, déroule son programme qui n’en est pas un sur les sons glaçants d’une BO qui prend pour le cinéaste une réelle importance. La musique, ici, accompagne Jackie dans ses moments de tristesses, inévitables, ses instants d’orgueil, à la manière d’un habillage soigneusement préparé. Il ne s’agit, somme toute, et c’est sans doute là l’un quelques reproches que l’on pourrait adresser à Jackie, que du portrait d’une personnalité par une autre personnalité. Le cinéaste chilien, figure d’un cinéma pour le moins non-conventionnel, loin de l’académisme hollywoodien, film ce drame historique, ce tout petit bout d’histoire, à la manière d’un artiste, d’un auteur qui semble d’avantage s’inquiéter des détails que d’une cohérence d’ensemble, des apparences plutôt que de la limpidité du propos. Même si Larrain fait incontestablement les choses bien, en directeur consciencieux, appliqué et indépendant, son film bascule parfois dans une forme d’ennui.
Beau, esthétiquement remarquable, Jackie, peu passionnant, se veut pourtant un film qui mérite que l’on s’y intéresse. L’approche de Pablo Larrain, stylisée, très personnelle, si elle ne plaît pas à tout le monde, ne peut effacer la remarquable prestation de son chef Op. Entre patine vintage de la bobine, comme on disait jadis, entre mixage des plans montés et images d’archives, le film prend réellement un aspect authentiquement sixties. Belle réussite. Par ailleurs, la prestation de Natalie Portman vaut, elle aussi, son pesant de cacahuètes. L’actrice, que la caméra ne lâche jamais, intimement sondée par l’objectif du metteur en scène, livre une prestation de toute beauté, entre force et timidité, entre vulnérabilité et obstination.
En définitive, si Jackie ne s’adresse prioritairement qu’aux aficionados d’un cinéma pas comme les autres, qu’à ceux qui recherchent perpétuellement un renouvellement dans les films qui prennent le temps de contempler, il apparaît pourtant comme un long-métrage d’une remarquable maîtrise. Pablo Larrain ne nous fait en effet pas l’offrande d’une narration telle qu’on l’espérait mais fait pour autant état de son talent de mise en scène, de ses capacités de réel cinéaste indépendant dans toutes ses démarches. Et ça, alors que de nos jours seul la banalité, le formatage, semble être les seuls gages de profits pour les producteurs et les studios, c’est déjà beaucoup. 14/20