"Escobar" : un titre qui fait ressurgir un nom du passé. Je me souviens de ce nom, faisant souvent la une des journaux télévisés ou écrits. Je me souviens de ce nom ayant en quelque sorte accompagné ma plus tendre enfance du fait de son inquiétante célébrité. Je me souviens de ce nom associé à la pègre et plus précisément au trafic de drogue. Je me souviens de ce nom responsable de nombreux morts. Je me souviens de ce nom tant l’homme paraissait insaisissable. Et je me souviens de cette traque, interminable. Aussi je m’attendais à quelque chose de plus enlevé. L’approche est toutefois différente, le réalisateur-scénariste s’étant basé sur le livre de Virginia Vallejo, l’ex-maîtresse du plus célèbre narcotrafiquant. Le biopic est donc soumis à une approche par l’intérieur même du cartel. Ma foi, ça peut être aussi intéressant, bien qu’on sait déjà que le dynamisme du récit va en prendre un coup par les moments d’intimité. Quoique, rien n'est moins sûr quand il s'agit du plus grand baron de la drogue... Le récit fait donc appel à la narration en voix off, et cela parait normal du fait que le point de vue offert est donné par Virginia Vallejo. Pour la mise en œuvre, je soupçonne même le staff technique d’avoir lorgné vers "Le grand jeu", sorti sur les écrans quelques mois plus tôt. Sauf que la narration en voix off n’est pas aussi présente, et encore moins immersive. La majeure partie du biopic se fait la plupart du temps façon live, avec une omniprésence de Virginia Wolf, incarnée par une Penélope Cruz à côté de la plaque. Oui, j’ai bien dit « à côté de la plaque ». Mais comment cela est-il possible ? Eh bien c’est simple : elle a fait de son personnage le stéréotype même de la femme célèbre maniérée au possible par sa démarche digne d’une star de cinéma qui pose sur les marches du Festival de Cannes au son clinquant de ses bijoux ou d’un mannequin qui défile pour le compte d’un grand couturier, toute habillée qu’elle est dans des tenues que seules les personnes les plus en vue et/ou les plus riches peuvent s’offrir. Je ne sais pas vous, mais le jeu de l’actrice me parait outrageusement appuyé, pour ne pas dire exagéré. Mais au moins, on ne peut pas dire que son personnage n’est pas haut en couleurs ! En tout cas bling-bling, voire superficielle. Cela dit, je ne vais pas faire comme l’actrice, c’est-à-dire « visionner les quelques centaines d’heures » pour faire une étude comportementale de la véritable journaliste pour dire si j’ai tort ou raison à ce sujet. Je préfère m’en tenir à mon ressenti. Ça en fait donc pour moi une personne quelque peu agaçante, et en aucun cas je n’ai eu envers elle la moindre forme d’empathie, et encore moins de compassion. Après tout, au vu du titre, ce n’est pas tant elle qui doit attirer l’attention du public, mais plutôt Pablo Escobar ! Mais son omniprésence vient altérer la présence du personnage principal. Javier Bardem se démène beaucoup et, muni de son regard habité et pour le coup très expressif, on sent indéniablement le travail de titan effectué pour représenter ce personnage au plus près de la réalité. Certes il est tour à tour rassurant et inquiétant, et en cela c’est très réussi. N’oublions pas que l'homme a profité de son aura de bienfaiteur auprès de la population la plus défavorisée pour entamer une carrière politique, aussi brève fut-elle. Les différents traits de caractère du personnage sont parfaitement décrits : tantôt pas vraiment menaçant, tantôt pire que des crapules, sans que jamais il ne se salisse vraiment les mains en personne. Des scènes dures, il y en a quelques-unes, oui. La plus dure d’entre elles concerne l’exécution d’un tueur à gages, une scène qui intervient très tôt dans le film. Mais à mon sens, le travail formidable de Javier Bardem n’est pas suffisamment mis en avant. Comme je le disais plus haut, le jeu stéréotypé de Penélope Cruz y est pour beaucoup, mais la faute en revient aussi à une réalisation beaucoup trop conventionnelle. En effet, on ne peut plus classique, elle n’a rien d’exceptionnel. Le seul plan qui m’a plu, c’est le mouvement de caméra qui s’opère autour de Penélope Cruz alors accrochée au bras de son accompagnateur (en début de film). Même la musique ne se remarque pas, sauf quand enfin une menaçante pression pèse sur Escobar. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la partition de Federico Jusid prend toute sa pleine mesure et donne de la consistance à ce film. Mais ce n’est pas suffisant pour faire de ce "Escobar" un film incontournable. Selon moi, en dépit de la formidable interprétation de Javier Bardem, ce long métrage ne mérite pas vraiment le déplacement en salles obscures, parce qu’il ne reflète pas vraiment la grande implication qui y a été mise dedans, ET de la part de l’acteur principal, ET du scénariste-réalisateur. Il en ressort un film très moyen, pour lequel j’aurai préféré un traitement similaire au diptyque "Mesrine", auquel cas le talent de Javier Bardem n’en serait que mieux ressorti aux yeux du spectateur. En dépit de son intérêt et de son traitement avec le plus grand sérieux qu'il méritait, qui plus est a priori fort bien documenté, je confirme que ce film ne valait pas franchement le déplacement en salles, et ce même sans connaître la série ou autres films dont les internautes sont nombreux à citer.