Pour Rebecca Zlotowski, Planétarium parle du monde d'aujourd'hui, bien que l'intrigue se situe dans les années 30. "Je ressentais la nécessité de commenter le monde glissant, crépusculaire, dans lequel on est entré, avec les outils du romanesque. Je pensais à cette phrase de Duras si inquiétante quand on y pense : « On ne sait jamais ce qui est sur le point de changer »", déclare-t-elle.
Rebecca Zlotowski souhaitait avoir un travail approfondi avec ses acteurs : "J’avais d’un autre côté le désir d’aller au bout d’un certain travail avec les acteurs. Mes deux premiers films avaient des tournages courts, qui me laissaient sur ma faim : je ressentais le besoin de travailler de ce côté là, de mettre des acteurs en transe physique, d’aller chercher du côté des rites de possessions, leurs manifestations physiques (...)".
Rebecca Zlotowski s'est inspirée de l'histoire vraie des soeurs Fox comme point de départ de Planétarium : elles sont "trois sœurs spirites américaines qui ont inventé le spiritualisme à la fin du 19ème, ancêtre du spiritisme, grand mythe de l’Americana. Leur succès avait été considérable, faisant naître et prospérer une doctrine avec des centaines de milliers d’adeptes à travers le monde, jusqu’aux cercles intellectuels européens...", conte la cinéaste. "Un épisode moins connu notamment me fascinait : l’embauche, une année, par un riche banquier, de l’une des sœurs pour incarner l’esprit de sa femme défunte. Cette histoire m’a plu. C’était un point de départ de thriller, résolument hitchockien...". Des différences sont toutefois notables avec l'histoire originale ; celle-ci a été transposée du monde de la finance à celui du cinéma, du 19e siècle aux années 30 et les trois soeurs ont été réduites à deux.
Autre inspiration historique, la figure du producteur Bernard Natan, que présente la réalisatrice : "riche producteur d’origine roumaine, naturalisé Français, croix de guerre, parti de rien, (il) avait racheté Pathé Cinéma en 1929, avait été la victime d’une campagne antisémite le démettant de ses fonctions, avant de le destituer de sa nationalité française, puis d’être remis par les autorités françaises à Auschwitz via Drancy. Une sorte d’affaire Dreyfus du cinéma en somme, mais méconnue". C'est lui qui a créé les studios de la rue Francoeur, actuel emplacement de la Fémis, et a importé le cinéma sonore en France. Rebecca Zlotowski tenait à rendre hommage à sa manière à cet homme oublié de l'Histoire du cinéma, sans toutefois réaliser un biopic. Si tout est fiction dans Planétarium, certains éléments réels ont ainsi enrichi l'intrigue.
Rebecca Zlotowski connaît Natalie Portman depuis une dizaine d'années ; elle l'a en en effet rencontrée le jour où elle apprenait qu'elle recevrait l'avance sur recettes de son tout premier film, Belle Épine, avec Léa Seydoux. Si la réalisatrice avait envie de filmer l'Américaine, les projets ne s'y sont pas prêtés jusqu'à Planétarium. L'actrice a accepté le rôle avant même que le scénario ne soit terminé.
Rebecca Zlotowski a co-écrit le scénario de Planétarium avec Robin Campillo. Habituée à écrire seule, elle évoque cette collaboration : "Écrire à quatre mains c’est toujours réinventer ses propres règles. J’écris pour d’autres donc j’ai l’habitude de tenir la plume, et Robin a agi aux deux extremités du spectre : pour l’architecture globale du film, son équilibre, son sens, sa cohérence. Et dans le plus grand détail ensuite : dans les dialogues, qui peuvent faire basculer une scène du tout au tout. Robin a systématiquement « protégé » le film des facilités de scénario, rejetant la tentation de scènes spectaculaires, au lyrisme trop appuyé par exemple, expliquant trop crument les dangers, les menaces qui planaient sur les personnages".
C'est Natalie Portman qui a présenté le portrait de Lily-Rose Depp à Rebecca Zlotowski pour le rôle de sa jeune soeur ; une idée qu'a immédiatement accueillie avec bienveillance la réalisatrice. "Tout me plaisait dans cette image, un corps d’une finesse inouïe surmonté par un visage étrange, gracile et volontaire, parfaitement insensible à la minauderie, mais aussi qu’elle soit désignée par Natalie, qui la plaçait immédiatement sous sa protection. J’ai adoré que la fabrication de cette fratrie de fiction fonctionne comme ça", déclare la réalisatrice.
Rebecca Zlotowski a tourné avec une toute nouvelle caméra numérique, l'Alexa 65, notamment utilisée pour certaines scènes de The Revenant. "Il y avait un climat d’excitation et de libido autour de cette caméra, celui-là même du personnage dans le film, qui pense révolutionner le cinéma en inventant la caméra capable de filmer des fantômes... Ce côté méta évidemment nous plaisait et avait du sens". Planetarium est le premier film à avoir été tourné en entier avec cette caméra.
Lily-Rose Depp tenait à tourner en français, une langue particulière pour elle. "C’était la première fois que je lisais un scénario en français. J’ai étudié en anglais, donc à l’écrit, c’est davantage ma culture. Lire en français, pour moi, c’est tout de suite beaucoup plus littéraire, c’est une autre culture, que j’ai aussi et qui me plait beaucoup", explique-t-elle. "Le scénario m’a fait miroiter un film très français par rapport au cinéma américain que je connais. Bien sûr, ce n’est pas la langue qui détermine mon choix de film, mais j’avais envie de tourner en France à condition de commencer avec un beau film, et en lisant le scénario, j’ai su que je l’avais trouvé".
Rebecca Zlotowski travaille pour la troisième fois avec son chef opérateur George Lechaptois et son compositeur Rob.
Rebecca Zlotowski et Louis Garrel sont amis de longue date. "Quand elle était à la Fémis, elle m’avait proposé de jouer dans un de ses courts-métrages mais j’avais dû refuser", se souvient l'acteur. "Après, c’est devenu un jeu entre nous, elle me disant : « Comme tu m’as refusée à la Fémis, je ne te proposerai plus jamais de rôle ! ». Et puis, finalement, elle m’a proposé de jouer dans Planetarium et en acceptant, j’ai pu racheter mon péché !"