N'ayant pas revu ce film depuis sa sortie, période au cours de laquelle j'avais une toute autre mentalité - plus facilement impressionnable dira-t-on, et ayant été à l'époque absolument subjugué par ce film, je dois avouer que j'avais très peur de le revisionner, ce pourquoi son Blu-Ray était encore dans son blister, de peur de me rendre compte qu'il s'agissait d'une niaiserie imbuvable comme d'autres films tombés en disgrâce à mes yeux (comme certains productions Hollywoodiennes larmoyantes des années 90). Après avoir pris mon courage à deux mains, je ne regrette en rien mon revisionnage qui non seulement confirme mon impression très positive mais qui en sus n'a fait que renforcer ma compréhension du film et donc l'appréciation de sa grade sensibilité couplée à l'intellectualisation en toile de fond.
A ce titre, je ne comprends pas - ou plutôt je comprends trop bien sans vouloir l'accepter - comment un tel chef d'oeuvre de sensibilité et de beauté soit jugé aussi mal qu'un pauvre navet sans profondeur ni esthétique. Pire, je me demande comment de telles productions puissent être traînées dans la boue au profit de niaiseries politiques régressives, et ce même par la critique !
Construit autour de multiples mises en abîme, débutant de la froideur et du cynisme de la période dépeinte (qui contraste avec la certaine "folie" de la façade mondaine) jusqu'au rêve dan le film, elle-même mise en abîme récurrente, Planétarium dépeint l'ambivalence du rêve et du mensonge, sorte de délice donnant accès à la sensibilité et aux trésors réconfortants de la mémoire magnifiée mais aussi source d'aveuglement et de désillusion. Dans cette valse étrange où la magie s'invite dans la réalité (fantasmée ? jouée ? comme les plumes qui remplacent la neige ou encore l'allégorie des oiseaux), les trois personnages, dont le plus central - Korben, magnifiquement jouée d'ailleurs dans sa naïveté et sa fuite du réel - tiennent leur rôle. La plus petite soeur Barlow, énigmatique et davantage instrument artistique que personnage réel, incarne cette "peuve" de la véracité des illusions du retour à l'Eden fantasmé et d'ailleurs
meurt en même temps que le rêve et les illusions de Korben s'achèvent, la dernière étant la foi en la justice et en sa libération
. La grande soeur Barlow - elle aussi magnifiquement incarnée avec beaucoup de retenue - joue l'observatrice internalisant et incarnant les émotions des rêveurs - plus prosaïquement d'ailleurs, on comprend son rôle empathique nécessaire à l'autopersuasion (? le film ne donne jamais la réponse à sa partie fantastique très discrète mais qui symbolise le caractère ténu et difficilement transmissible de la déraison du rêve, ce qui explique d'ailleurs peut-être pourquoi une grande partie du public ait été imperméable à sa beauté, on retiendra notamment
le visionnage du film par les investisseurs et autres membres de la direction dans une amère vision prémonitoire sur le destin de Planétarium, celui d'être incompris
). Korben quant à lui, image glorieuse d'un entrepreneur visionnaire, joue un rôle presque trop beau pour être réel, contrastant avec la dureté du contexte qui
va le happer jusqu’à sa chute
. Dans des scènes irréelles de ses "rêves" (ou visions ?) catalysées par la petite soeur Barlow et dans ses réactions étranges de déni face au scepticisme ambiant, les émotions fleurissent dans une pureté qui touche à l'âme, le tout porté par une bande originale en harmonie totale avec ce qui se passe à l'écran et présageant du dénouement inéluctable du film.
Ce sentiment d’irréalité est renforcé par le déroulement presque à huis-clos du film et des décors factices (et clinquants) d'époque, jusqu'à ce ciel qui ouvre et clôt le film, sorte de planétarium en carton pâte mais qui par son mystère évoque bien plus que toute verbalisation inutile. C'est d'ailleurs la vérité de cette révélation, de l'émotion qu'il suscite qui contraste avec ce factice car au fond c'est bien un des messages subtil du film : dans sa quête impossible de capturer la magie et l'infini de son "planétarium", Korben ne fait que le détruire dans une réalité décevante, petite, finie (
cf. le film qu'il arrive à produire grâce à sa machine et à sa caméra hors de prix, une brève apparition spectrale (? ou juste un artefact lumineux sur la pellicule, un reflet dans la lentille ?)
) et surtout niée par la Raison ambiante.
Chef d'oeuvre esthétique, Planétarium se distingue aussi par la beauté visuelle qu'il produit, loin devant ce que la plus chère des CGI ne m'a fait ressentir, dans ses décors élégants, figuratifs et pleins parfois du kitsch doré de l'époque qui comprend bien la thématique et la dualité de ce film qui n'hésite d'ailleurs pas à faire usage du clair-obscur et des effets de tunnel. Ceci et la facilité qu'ont les acteurs à adopter le ton du théâtre dont le raffinement et l'élévation n'ont d'égal que le factice, plongent le spectateur dans une capsule - elle-aussi presque en carton-pâte - vers ce ciel mystérieux dont on connaît la finitude mais donc la profondeur fantasmée nous dévore.
Film cruel et pourtant enchanté sur le Rêve, Planétarium est tout à la fois un chef d'oeuvre artistique, un chef d'oeuvre sensible et un chef d'oeuvre figuratif. Délice d'intellectualisation tout juste suffisante pour ne pas dévorer sa partie plus sensible qui explose dans l'âme en ses multiples dimensions les plus ambivalentes, ce film aura peut-être raté son rendez-vous avec l'histoire. Mais n'est-ce pas ce que nous dit le film, comme si la réalisatrice savait déjà ce qu'il en serait ? Et c'est bien là un des coups de génie de Planétarium : faire un film qui communique ce que le film à l'intérieur du même film n’arrive pas à communiquer dans sa quête de vérité, en y apportant l'arme utile - et que le public déteste, je ne l'ai que trop au sujet d'autres films comme Alexandre par exemple - l’impressionnisme.