On a du mal à croire que ce soit Jeff Nichols, le réalisateur original et tellement talentueux de Take Shelter et Mud qui ait pondu cet interminable pensum bien-pensant -et surtout, globalement, très mal interprété. Ca ne lui ressemble pas; c'était pas un truc pour lui..... même si, sur le plan historique, cette histoire méritait d'être narrée!!
En 1958, en Virginie, Richard Loving, un maçon blanc, a une histoire d'amour avec Mildred, une jeune fille noire. Dans ce pauvre village campagnard, coexistent les indiens autochtones, des petits blancs et des familles noires; mêmes bicoques, mêmes vies de chien. Ils coexistent -mais pas question de se mélanger. Tout naturellement, Richard qui flirte avec une noire se retrouve au sein de la communauté noire. Quand Mildred est enceinte, Richard décide de l'épouser et ils se rendent dans l'état voisin, Washington D.C., où les mariages interraciaux sont légaux.
Mais à leur retour en Virginie, ils sont arrêtés dans la famille de Mildred qui les accueille, jetés en prison..... jugés, et condamnés à un an de détention, qu'ils peuvent ne pas effectuer, à condition de ne pas revenir en Virginie ensemble pendant vingt-cinq ans! Après un premier pépin qui leur vaut la clémence du juge Bazile (ils voulaient absolument que l'enfant naisse chez la mère de Richard, l'accoucheuse locale), le couple se fixe définitivement à Washington DC. Mais ils supportent mal que les enfants grandissent en ville, loin de leur famille, loin de leurs cousins.... Et, c'est en 1963 la marche pour les libertés à Washington, avec le discours de Martin Luther King; l'espoir d'un changement avec Robert Kennedy à la justice. Le cas Loving intéresse les militants pour l'égalité raciale, qui les défendent gratuitement, jusqu'à la Cour Suprême Fédérale. La décision de la Cour de Virginie est cassée et la loi de l'état interdisant les mariages interraciaux est déclarée anticonstitutionnelle! L'arrêté porte le nom "Loving contre l'état de Virginie"! Reconnaissons que c'est une belle histoire qui méritait d'être racontée......
Il faut dire que le jugement du juge Bazile vaut son pesant de cacahuètes...."Dieu Tout-puissant créa les races blanche, noire, jaune et rouge, et les plaça sur des continents séparés. Le fait qu'il sépara les races montre qu'il n'avait pas pour intention qu'elles se mélangent". Un esprit affuté eut pu facilement lui répondre "Puisque Dieu a créé le continent américain pour la race rouge, qu'est ce que les Blancs ont donc à y faire, hein?" Que des imbécillités pareilles aient pu être proférées il y a guère plus de cinquante ans va dans le même sens: l'histoire des Loving méritait d'être racontée..
Mais pas comme ça! Et pas par Nichols, probablement. Un Eastwood, peut être, aurait magnifié ce scénario.... Là, tout est plat. Nichols prend manifestement plaisir à filmer les campagnes de son pays. Mais à part ça.... Tous les blancs sont méchants, tous les noirs rigolent tout le temps; un bref bon passage cependant: quand Richard commence à être un peu maltraité sur ses chantiers, un de ses beaux frères lui dit "tu vois ce que c'est, que d'être noir? mais pour toi c'est facile, pour redevenir blanc, il te suffit de divorcer. Pour nous, il n'y a pas de solution". Les deux avocats (Nick Kroll qui n'a qu'une expression: le sourire bête et Jon Bass) semblent être à demi demeurés. On a l'impression qu'ils se foutent complètement de la cause qu'ils assument! Quant aux deux héros.... Ruth Negga est jolie; par moments, elle est convaincante. Mais le plus souvent, elle arbore le visage illuminé d'une Sainte-Ursule-portant-ses-seins-sur-un-plateau. Joel Edgerton est une catastrophe. Ce n'est pas juste un ours, c'est un bas-du-front complet; on a du mal à croire que cette charmante, courageuse, dynamique Mildred -c'est elle, le leader dans le combat famillal- reste fidèlement amoureuse de ce gros balourd....
Déception donc. Les Loving méritaient mieux.