Je ne me souviens pas avoir vu Sami Bouajila dans une comédie avant ce film. Il a fait beaucoup de films difficiles, avec des rôles lourds à porter et je ne savais pas à quoi m’attendre de sa part dans ce registre ô combien difficile. Et bien, Sami Bouajila à un vrai sens comique tout en sobriété qui fonctionne très bien. Sans jamais en faire trop, en restant toujours, comme un funambule, entre la comédie et l’émotion, il donne corps à un Samir Zitouni très attachant. Il a la chance d’être entouré de seconds rôles très bien écrits et très bien incarnés par des comédiens épatants. C’est la toute première qualité de cette comédie qui n’en manque pas, elle fait la part belle aux seconds rôles, Franck Gastambide en tête. Hélène Vincent, Chiara Mastroianni (dont je ne suis pourtant pas tellement fan) mais surtout Bouchakor Chakor Djaltia. Dans le rôle truculent de Kader, le père de Samir, cet acteur âgé trouve ici l’occasion (pour son tout premier rôle au cinéma, comme quoi il n’est jamais trop tard !) de camper un vieil homme attendrissant, très en verve et très drôle. Dans chacune de ses scènes, il nous enchante de sa composition et il apparait évident, à l’écran qu’il a abordé ce rôle avec la gourmandise et la malice d’un jeune premier ! Si j’osais, je dirais que la vraie révélation cinéma de « Good Luck Algéria », c’est lui. Au-delà du casting, c’est aussi le scénario qui est la vraie clef de la réussite de ce film. On ne va pas s’appesantir sur la réalisation de Farid Bentoumi qui est très académique, efficace et sans chichi (c’est un réalisateur de série TV, il sait être faire propre et efficace), ou sur la musique qui est anecdotique. Malgré tout, je précise que le sport est toujours difficile à filmer au cinéma, c’est valable pour le football, c’est valable pour le cyclisme, c’est valable pour tous les sports et le ski de fond ne fait pas exception. Filmer le sport pour le cinéma c’est différent que de le filmer pour Eurosport. Bentoumi parvient à nous faire ressentir la course, la violence de l’effort, l’épuisement, le dépassement de soi-même au plus près, bravo à lui. Et Bravo aussi à Bouajila qui a du donner beaucoup de lui même pour faire du ski de fond avec autant de réalisme. Le scénario de « Good Luck Algéria », j’y reviens, est bien plus dense et multifacette que le pitch du film ne le laisse supposer. Le film de Bentoumi, ce n’est pas « Rasta Rockett », c’est bien plus subtil que cela. Le film aborde bien plus de choses que le défi sportif : les difficultés d’une PME qui a une activité ultra ciblée et qui, en perdant un seul contrat, se retrouve à deux doigts de la liquidation ; le choc culturel et l’incompréhension qui existe entre les algériens restés en Algérie et ceux qui sont nés ou simplement vivent en France (la notion de propriété, le fait que les fils héritent bien plus que les filles…) ; l’importance de nos racines et de la place qu’on leur donne dans notre vie (Samir ne parle pas arabe, il n’en avait jamais ressenti la nécessité) ; la corruption latente qui gangrène aussi l’administration algérienne
(la subvention de 20000 $ du CIO qui s’évapore)
, etc… Sur 1h30 de film, une demi-heure entière se déroule en Algérie et si ce n’est pas la demi-heure la plus drôle du film, c’est une demi-heure qui en dit beaucoup sur tous ces sujets là, mine de rien, avec intelligence, retenue, sobriété et émotion. L’identité (la double identité même, la triple identité si on ajoute que Samir est marié à une franco-italienne), la famille sont des notions très présentes dans « Good Luck Algéria » mais il y en a d’autres : l’amitié, l’universalité du sport et principalement des Jeux Olympiques, l’amour de ski aussi tout simplement. Cela fait beaucoup, au final, pour qui apparaissait au départ pour une petite comédie ! Bien sur, on peut regretter deux-trois détails, comme le fait que le film s’arrête au moment précis (Cérémonie d’Ouverture des JO) où les choses sérieuses auraient pu commencer. On peut aussi regretter aussi que la dernière course, celle des qualif, soit un peu courte et expéditive dans son propos. On pourrait trouver qu’il y a quelques grosses ficelles
(le temps final, juste-juste sous les minima)
, les scènes de foule attentive/émue/enthousiaste devant la TV (déjà vues et revues), mais c’est peanuts au regard des qualités du film, qui sont indéniables et en font un vrai bon moment de cinéma.